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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/301

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L’ARÉTIN.

cle n’ont pas d’autre type que cet ouvrage, base honteuse de la gloire de l’Arétin et composé dans les premiers temps de son séjour à Venise, pour l’amusement des courtisanes et des artistes.


C’est assurément ce que l’on a écrit de plus immonde. Jamais les païens, qui avaient divinisé la volupté brutale, ne parvinrent à ce degré de raffinement et de véhémence dans la luxure, dont l’Arétin a donné l’exemple, sous la loi chrétienne, en face de la papauté. Comme on avait vu, à l’agonie du polythéisme, une réaction s’opérer en faveur de la chasteté, l’ascétisme éclore du relâchement même des mœurs, se punir, s’immoler, s’armer de cordes et de fouets, et expier la licence générale ; de même, quand les chastes commandemens du christianisme eurent dépassé leurs limites, on vit le sens brutal, l’esprit immonde, se trouvant cloîtré, se révolter avec furie. Il se mit à rugir et à bondir dans sa prison ; poussé d’une rage inouie, il peignit sur les murs de sa geôle d’infâmes images. Petrone et Martial sont moins obscènes que Meursius et de Sade. Les uns sont impudiques comme des courtisanes antiques ; les autres sont effrénés comme des moines dans l’orgie. On ne citerait pas une page de Petrone, jeune débauché de Rome, qui soit comparable, pour l’impureté, à un récit en vers du Baffo, patricien du xviiie siècle, Vénitien et homme grave.

Arétin, cet homme à vendre, à louer, à acheter, qui avait des sens ardens, l’expérience d’une vie lubrique, et qui savait combien ses lubricités se vendraient et trouveraient d’écho, écrit donc ses Discours cyniques, comme il va écrire la Vie du Christ. À vous, jeunes artistes, libertins de Venise, vieux cardinaux en rut, vieux abbés mariés à demi ; à vous, femmes curieuses de toutes les cités italiennes, qui expiez vos péchés par le chapelet et vos lectures impures par la lecture des Psaumes ; à vous, chez qui la civilisation, les arts, le luxe, la richesse, l’indolence, une vie sans patrie et sans principes ont exalté les propensions sensuelles du climat ; à vous mes Ragionamenti : — à vous autres, chez qui ces élémens se sont transformés en dévotion et en mysticisme, dévotes, bonnes femmes, cardinaux assez honnêtes pour croire ; à vous la Vie du Christ et de la Vierge ! — Donnez la barrette à l’Arétin !

Oui, la barrette à l’Arétin ! — Il l’a demandée.