Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
298
REVUE DES DEUX MONDES.

J’aurais bien voulu voir Pietro d’Arezzo, ce bâtard immortel, traverser l’avenir coiffé de la barrette rouge.


Sur ces dialogues il m’est impossible de m’arrêter davantage. Qu’il me suffise de dire que l’un est consacré à la vie et aux amours des courtisanes, l’autre à celles des femmes mariées ; un autre, à celles des religieuses ; que dans le quatrième une mère endoctrine sa fille, etc. : galerie comique, cynique, variée dans son impudeur incroyable. À peine ce livre fut-il composé, lu à ses amis, mais non encore imprimé, l’Arétin, de la même plume, se mit à traduire les Psaumes de la Pénitence.

Ce fut pendant ces premières années fécondes de son séjour à Venise qu’il prépara ses Comédies, ses poèmes chevaleresques et héroï-comiques, ses Poésies burlesques, mit la première main à l’édifice de sa renommée littéraire, et fonda celui de sa fortune. Le manège et l’habileté y contribuèrent bien plus que la publication de ses ouvrages. Vous allez voir comment.

L’Arétin est synonyme de calomniateur et de médisant ; c’est la satire personnifiée. Eh ! bon Dieu ! voilà ce que l’Arétin désirait le plus. C’est la renommée qu’il ambitionnait ; c’est le fondement de son opulence. Au fond, l’Arétin, le plus fade des panégyristes et des parasites, n’a laissé de complet qu’un grand ouvrage, six volumes de lettres laudatives. Ô renommée ! ô voix populaire, histoires, biographies ! pauvres sottes que vous êtes ! Il faut enfin mettre à jour l’immense diplomatie de ce spéculateur sur la vanité et sur la crainte : homme d’une conduite admirable, qui mettait enseigne de satire pour donner du prix à ses éloges ; qui, une fois reconnu flagellum principum (fléau des princes), dormait tranquille ; ses panégyriques étaient sûrs d’un bon débit. Si l’on n’avait pas craint sa mordacité insolente, qui diable aurait donné un écu de ses éloges ? À force de répéter : Je suis libre, il forçait le sot public de le croire sur parole. Il attaquait les rois, les cardinaux, les papes, en général : il s’agenouillait devant eux en particulier. Tous ses volumes sont pleins des témoignages de l’humilité la plus basse pour quiconque est à craindre.

Quelquefois, lorsqu’il croyait avoir trouvé son homme, et qu’il était certain d’avoir affaire à un caractère doux et timide, il se jetait