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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/398

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ports avec les théologiens allemands, et nous complèterons ainsi notre récit du sort du luthéranisme.

Il n’existe, dans toute l’histoire de l’église, aucune partie plus embrouillée que celle des querelles entre les théologiens protestans depuis la guerre de trente-ans. On ne peut leur comparer que les chicanes subtiles des Byzantins ; mais celles-ci n’étaient pas aussi ennuyeuses, parce qu’elles cachaient de grands intérêts politiques et des intrigues de cour, tandis que le ferraillement protestant n’eut guère sa raison que dans le pédantisme étroit de quelques perruques doctorales et épilogueuses. Les universités, et particulièrement Tübingen, Wittemberg, Leipzig et Halle, sont les arènes de ces assauts théologiques. Les deux partis que nous avons vus en costume catholique pendant toute la durée du moyen-âge, les platoniciens et les aristotéliciens, n’ont fait que changer d’habit, et se chamaillent après comme avant. Ce sont les piétistes et les orthodoxes dont j’ai déjà parlé, et que j’ai désignés comme des mystiques sans imagination et des dogmatistes sans esprit. Johannes Spener fut le Scotus Erigena du protestantisme, et comme celui-ci, par sa traduction du fabuleux Denis l’Aréopagite, avait fondé le mysticisme catholique, l’autre fonda le piétisme protestant par ses assemblées d’édification, colloquia pietatis, d’où le nom de piétistes est peut-être resté à ses sectateurs. C’était un homme pieux ; respect à sa mémoire ! Un piétiste berlinois, M. Horn, a donné de lui une bonne biographie. La vie de Spener est un martyre continuel pour l’idée chrétienne. Il fut sous ce rapport supérieur à ses contemporains ; il recommanda instamment les bonnes œuvres et la piété. Ses homélies furent fort louables pour le temps ; car toute la théologie, telle qu’on l’enseignait dans les susdites universités, ne consistait qu’en une dogmatique étroite et une polémique tracassière. L’exégèse et l’étude de l’histoire de l’église furent complètement négligées.

Un élève de ce Spener, Hermann Frank, commença à Leipzig à faire un cours à l’exemple et dans le sens de son maître. Il le fit en allemand, service que nous paierons toujours volontiers de reconnaissance. Les succès qu’il y obtint excitèrent l’envie de ses collègues, qui rendirent en conséquence la vie fort dure à notre pauvre piétiste. Il fut obligé de vider la place, et se rendit à Halle