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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/399

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DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

où il enseigna le christianisme par paroles et par actions. Sa mémoire y fleurira toujours, car il est le fondateur de la maison des orphelins de Halle. L’université de Halle se peupla alors de piétistes, et on les nommait le parti de l’hospice des orphelins. Soit dit en passant, ce parti s’est maintenu jusqu’à ce jour. Halle est encore à ce moment la taupinière des piétistes, et leurs querelles avec les rationalistes protestans ont, il y a quelques années, scandalisé toute l’Allemagne. Heureux Français qui n’en avez rien su ! vous ignorez jusqu’à l’existence de ces commérages périodiques de l’église protestante, où les dévotes poissardes se sont cordialement injuriées. Heureux Français ! qui n’avez aucune idée de la méchanceté, de la petitesse, de l’âcreté que nos prêtres évangéliques apportent dans leurs combats ! Vous le savez, je ne suis point partisan du catholicisme ; le protestantisme fut pour moi plus qu’une religion, ce fut une mission ; et depuis quatorze ans, c’est pour ses intérêts que je combats contre les machinations des jésuites allemands. Plus tard, il est vrai, s’éteignit ma ferveur pour le dogme, et je déclarai franchement, dans mes écrits, que tout mon protestantisme consistait encore à être inscrit comme chrétien évangélique sur les registres de la communion luthérienne… Mais une secrète prédilection pour la cause qui nous fit jadis combattre et souffrir, demeure toujours dans notre cœur, et mes convictions religieuses d’aujourd’hui sont encore animées de l’esprit du protestantisme. Je suis donc toujours partial pour l’église protestante ; et pourtant je dois à la vérité de dire que, dans les annales du papisme, jamais je n’ai trouvé de misères pareilles à celles de la Gazette ecclésiastique évangélique de Berlin, dans ce scandaleux débat. Les mauvais tours les plus lâches des moines, les plus mesquines taquineries de couvent sont choses nobles et généreuses auprès des exploits chrétiens de nos orthodoxes et piétistes dans leur guerre contre les rationalistes. Vous n’avez aucune idée, vous autres Français, de la haine qui éclate en de telles occasions ; mais les Allemands sont plus rancuneux que les peuples d’origine romane. Cela tient à ce qu’ils sont idéalistes jusque dans la haine. Nous ne nous fâchons pas pour des choses futiles, comme vous le faites, pour une piqûre de vanité, pour une épigramme, pour l’oubli d’une carte de visite : non ; nous haïssons chez nos ennemis ce qui est le