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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/77

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Dante.

de Dante. Il y trouva divers sonnets, diverses canzoni, et autres poésies du même genre, parmi lesquelles il trouva une petite liasse de papiers qui le frappa davantage ; c’était un cahier contenant les sept premiers chants de l’Enfer. Il prit ce cahier, l’emporta, le lut, le relut à loisir, et tout ce qu’il lut lui sembla très-beau. Mais n’étant point lettré, ni même, à ce qu’il paraît, fort cultivé, il voulut avoir, sur ces écrits de son oncle, un avis plus éclairé que le sien, et les porta à l’un des hommes de Florence alors les plus renommés comme poètes.

Cet homme était Dino de’ Frescobaldi, dont il existe encore aujourd’hui beaucoup de poésies inédites qui, sans être des œuvres de génie, valent cependant mieux que beaucoup d’autres du même temps, qui ont obtenu les honneurs de la publication. Quelque chose à dire à la gloire de Dino de’ Frescobaldi, c’est qu’il fut singulièrement frappé du fragment que lui présenta André Poggi ; il le montra à d’autres, qui en furent émerveillés comme lui ; enfin, trouvant déplorable qu’une composition si admirablement commencée en restât là, il pensa qu’il fallait mettre Dante en état de la terminer, et pour cela lui envoyer le fragment trouvé.

Cet avis fut suivi : quand on sut que Dante était dans la Lunisiane, chez le marquis Morello Malespina, on envoya à ce dernier les sept premiers chants de l’Enfer, en le priant d’user de son crédit pour décider l’auteur à continuer son ouvrage. C’est ce que Morello s’empressa de faire ; et ce fut ainsi que Dante reprit la composition de la Divine Comédie, à laquelle on suppose qu’il ne pensait plus, persuadé que le commencement en était à jamais perdu.

Telle est l’aventure racontée deux fois par Boccace, d’abord dans son commentaire, puis dans sa Vie de Dante, et d’après lui répétée par Benvenuto da Imola et par d’autres commentateurs. Il n’y a pas moyen de supposer cette aventure inventée, ni même dénaturée par l’auteur du Décameron, car il la répète sans l’admettre, et n’y croyant guère ; mais il affirme expressément la répéter telle qu’il l’avait maintes fois entendue de la bouche d’André Poggi, dont il était l’ami. Boccace se complaisait à se faire raconter par celui-ci tout ce qu’il pouvait savoir de son oncle.

Parmi les derniers biographes de Dante, il y en a qui ont contesté toute cette histoire comme invraisemblable, du moins en ce qui concerne les sept premiers chants de l’Enfer. Quant à moi, je n’hésite point à l’admettre pour vraisemblable et pour vraie.

Dante employa à la composition de son poème une partie du temps qu’il passa chez le marquis Morello Malespina. Mais tandis qu’il y travaillait, de grands évènemens se préparaient au-delà des Alpes, qui allaient le