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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/81

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Dante.

réduire le plus tôt possible Florence à la soumission ; après quoi, répugnant sans doute à demeurer confondu dans la foule qui se pressait autour de Henri vii, il prit la route de la Toscane, et s’arrêta dans les parties de l’Apennin voisines des sources de l’Arno. Se croyant désormais sur le point de rentrer à Florence, il s’en rapprochait d’avance autant qu’il l’osait : il allait attendre sur la route le puissant protecteur qui devait l’y ramener. Il ne prévoyait guère le tour qu’allaient prendre les affaires de Henri vii.

Ne pouvant passer tout-à-fait sous silence des événemens fort intéressans par eux-mêmes, et dont dépend la destinée de Dante, je tâcherai du moins de les resserrer le plus possible et de manière à les subordonner à la biographie de notre poète.

Henri vii fut couronné roi d’Italie, au mois de janvier 1311, dans l’église de Saint-Ambroise de Milan, en attendant le moment d’aller se faire couronner à Rome. Mais il avait des adversaires qui s’apprêtaient à lui rendre le voyage périlleux. Les villes guelfes de l’Italie, sous les auspices du roi de Naples, Robert, leur chef naturel dans cette crise, se préparaient à résister au prince allemand. Celles de la Toscane avaient formé une ligue redoutable, et autant en avaient fait celles de la Romagne.

Le parti guelfe était moins fort dans la haute-Italie : il n’y avait que Padoue et Alexandrie qui eussent refusé de se soumettre à Henri vii. Mais l’or et les intrigues des Florentins eurent bientôt porté la défection dans les villes du parti impérial. Lodi, Crémone et Brescia s’en détachèrent brusquement par la révolte. Milan, Pavie, Plaisance, et beaucoup d’autres, n’attendaient, pour en faire autant, qu’une occasion propice. Enfin, le nouvel empereur, ce sauveur politique de l’Italie, d’abord si bien accueilli, était déjà dépopularisé, déjà réduit à faire partout des actes de rigueur qui achevaient de le rendre odieux. Ses plans étaient déjà bouleversés : au lieu d’aller, en grand appareil, chercher la couronne impériale à Rome, il était obligé de parcourir la Lombardie les armes à la main, pour en soumettre les populations révoltées.

Les nouvelles de ces soulèvemens et de ces troubles, arrivant à Dante dans la solitude où il était allé attendre le moment de rentrer à Florence, le remplissaient de tristesse et d’inquiétude. Il aurait voulu que l’empereur, au lieu de perdre son temps à guerroyer contre les Guelfes de Lombardie, marchât contre ceux de la Toscane et de Florence, instigateurs et soutiens des premiers. On a une lettre de lui, en date du 16 avril 1311, adressée à Henri vii, pour lui démontrer la nécessité de tourner immédiatement ses armes contre Florence. Ce fut probablement vers la même époque, qu’indigné des apprêts de guerre des Florentins,