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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/153

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REVUE ÉTRANGÈRE.

Mais les cortès décidèrent, à quatre-vingt-neuf contre vingt, que la majorité absolue suffirait, et elles écartèrent ainsi une grande difficulté ; car il aurait fallu réunir sur chaque question cent cinquante voix affirmatives, puisque l’assemblée se compose de deux cent vingt-cinq membres, et c’est un chiffre auquel ne s’est pas élevée une seule fois la majorité gouvernementale. On aurait donc arrêté, par ce moyen, les travaux de l’assemblée. Plus tard, la même opposition, qui venait de se renforcer par l’accession de M. Lopez, a essayé d’un autre expédient pour arriver au même but. Le 2 avril, un député de Valence, nommé don Ascension Tarin, a déposé dans les bureaux une proposition à cet effet : « Que, attendu que les députés actuels, ne tenant leurs pouvoirs que de la constitution de 1812, n’ont qualité que pour la réviser, et non pour lui en substituer une autre, le congrès voulût bien renoncer à la discussion du nouveau pacte fondamental pour s’occuper exclusivement de terminer la guerre civile, » ajoutant que si sa proposition n’était pas admise, il se croirait obligé de se retirer de l’assemblée. Invité à la développer, M. Tarin, qui a joué dans cette affaire le rôle d’enfant perdu du parti Caballero, s’est renfermé dans un silence opiniâtre, faute de moyens oratoires, et il a été résolu, à quatre-vingt-dix-sept voix contre cinquante, que la proposition ne serait pas admise à discussion ; et puis elle a été l’objet d’un vote de blâme formel, à la majorité de cent une contre trente-deux. M. Tarin s’est, en effet, abstenu de reparaître dans les cortès, au moins de quelques jours ; mais il a signé la constitution que ses collègues ont achevée sans lui le 27 avril.

D’après ce que nous en avons dit, on peut juger du mérite de ce travail. Assurément ce n’est point une œuvre parfaite ; et si nous en avions entrepris l’examen détaillé, nous aurions eu bien des défauts à y relever. Mais ces défauts disparaissent en quelque sorte quand on la compare à l’impraticable constitution de Cadix, qu’elle est destinée à remplacer. Cependant cette constitution de 1812, renversée si facilement et si vite par les mains qui l’avaient relevée, régit encore aujourd’hui l’Espagne sous bien des rapports. L’administration provinciale a été réformée en 1836, après la révolution de la Granja, suivant les dispositions qu’elle consacre, et qui ne sont plus en harmonie avec le nouveau système électif. Peu à peu l’Espagne sortira de ce chaos de constitutions, de lois et de coutumes incohérentes. Aussi bien n’est-ce pas malheureusement ce qu’elle a de plus pressé. Le désordre et l’épuisement de ses finances, le fléau de la guerre civile qui s’éternise, les habitudes d’insubordination dans l’ar-