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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/154

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REVUE DES DEUX MONDES.

mée, de révolte dans les provinces, d’égoïsme dans les individus, d’apathie dans les populations, le relâchement de tous les liens sociaux, la fatigue de tous les ressorts du pouvoir dans les derniers rouages de la machine politique, voilà les maux qui appellent un prompt remède ; voilà les tristes symptômes de désorganisation et de décrépitude contre lesquels ne peuvent rien ni les lois, ni les chartes, ni les discours, et que la forte main, la volonté intelligente de véritables hommes d’état sont seules capables de combattre avec succès. Peut-être l’Espagne avait-elle trouvé un de ces hommes : c’était M. Isturitz ; mais il est aujourd’hui en accusation devant les cortès, et c’est à peine si le ministère espagnol pourrait lui garantir une pleine sécurité dans sa patrie pour venir répondre à ses accusateurs. Peut-être, dans les profondeurs de l’avenir, quelque autre grandit ignoré, pour paraître à son heure ; mais jusqu’ici aucun ne se rencontre, même à l’horizon le plus lointain. Des médiocrités en tout genre se disputent un pouvoir sans force et des dignités sans honneur. La guerre civile moissonne de temps en temps les plus braves, des Irribaren, des Gurrea, des Léon, des Conrad, dont la glorieuse mort n’assure pas même le triomphe de leur cause. Des révolutions inutiles et les préventions de l’esprit de parti éloignent successivement des affaires, de la tribune, des conseils de la nation et du souverain, les illustrations les plus pures, les plus brillantes lumières, les plus hautes expériences politiques, les cœurs les plus droits et les plus fermes raisons. Quand on envisage cette situation vraiment déplorable du parti de la reine en Espagne, il n’y a qu’une seule chose qui console et qui empêche de perdre tout espoir : c’est de ne voir dans le parti de Carlos, avec beaucoup de ténacité, de courage et même d’habileté militaire, aucune intelligence supérieure, comme il y en a quelquefois au service des plus mauvaises causes, de sorte qu’entre les deux partis les armes sont égales. Mais on s’indigne davantage de l’impuissance du premier, parce qu’on lui suppose plus de ressources, parce qu’on croit que les sympathies les plus honorables de la nation sont en sa faveur, et parce qu’on désire son triomphe.

Aussitôt après les évènemens de la Granja, quand Gomez était aux portes de Madrid, quand le général Cordova se retirait en France, quand l’armée de la reine présentait tous les symptômes d’une désorganisation complète, on a cru que la révolution du 13 août donnerait à la guerre civile un grand élan, et que don Carlos prendrait, hors de la Navarre, une offensive redoutable et décidée.