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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/194

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REVUE DES DEUX MONDES.

d’affranchissement des communes pour la Russie, dont le dernier mot sera prononcé avant qu’il soit vingt ans.

Puis furent créés quelques tribunaux municipaux, où siégeaient, par l’élection libre, des serfs qui jugeaient les contestations entre d’autres serfs, et déterminaient la nature et la gravité des châtimens. Ces institutions étaient déjà anciennes, mais tombées en désuétude. Aujourd’hui, elles sont en pleine vigueur ; et si l’on pénètre dans l’intérieur d’un village russe, on est tout étonné d’y trouver le système municipal établi dans une extension telle que nous ne pourrions l’admettre sur ces bases en France, où la couronne n’aurait pas un pouvoir assez fort pour le balancer.

Jusqu’au règne de l’empereur Alexandre, les terres avaient été concédées à perpétuité, par la couronne, avec les paysans qui en dépendaient. Sous son règne, et depuis, les terres furent seulement concédées pour un certain nombre d’années. Un seigneur russe, ayant un jour demandé une terre à titre de dotation héréditaire, reçut, par écrit, cette réponse, faite par ordre de l’empereur : « La plupart des paysans russes sont esclaves. L’empereur n’a pas besoin de s’expliquer sur ce qu’il y a de flétrissant et de malheureux dans cette situation ; qu’il suffise de savoir que sa majesté impériale a fait serment de ne pas augmenter le nombre de ces infortunés, et s’est fait, en conséquence, un principe de n’accorder aucun paysan en toute propriété à personne. »

Dans ces dispositions, l’empereur Alexandre dut porter ses regards sur le code commencé depuis Pierre Ier, et resté inachevé, malgré tout le zèle de Catherine et les ordres réitérés de son successeur, Paul Ier.

La tâche était grande, car la Russie se compose de beaucoup de nations différentes, dont chacune a ses droits ; et déjà, sous Catherine, le nombre des ukases existans dépassait le nombre de soixante-dix mille.

Le prince Lapuchin et M. de Nowosilzow, aujourd’hui président du conseil des ministres, furent placés à la tête d’une commission chargée de régler les principes du droit, les lois générales, les lois spéciales et les formes de procédure[1]. Une somme de 100,000 roubles fut affectée annuellement à ce travail, qui a donné lieu, sous le règne actuel, à une entreprise aussi colossale, déjà terminée en quel-

  1. Précis des notions historiques sur la formation du corps des lois russes, tiré des actes authentiques déposés dans les archives de la deuxième section de la chancellerie particulière de l’empereur. Saint-Pétersbourg, 1833.