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DE LA RUSSIE.

cent par mois, avec faculté de rembourser leur dette et de l’amortir, selon leur volonté. La banque fournit encore des machines pour les exploitations industrielles, des instrumens d’agriculture d’après les meilleurs procédés ; elle en fait venir des pays étrangers, en fait construire elle-même et entre dans tous les détails de l’administration rurale. Il y a peu de propriétaires qui ne soient aujourd’hui en relation avec la banque, dont les directeurs et les employés sont les Lubetzki, les Lubienki, les membres des premières familles de la Pologne, et elle étend chaque jour ses rapports et obéit avec zèle à l’esprit de son institution, qui est d’aider la noblesse à améliorer ses terres, et de la décider à les habiter. Singulier contraste qu’offre ici le gouvernement russe, dont la politique, en Russie, est de ruiner les propriétaires nobles et de les tenir éloignés de leurs domaines !

Résumons ces vues préliminaires sur la Russie et sa tendance actuelle. L’empereur Nicolas a eu peut-être, au commencement de la révolution de juillet, les mêmes velléités qu’eut jadis l’impératrice Catherine, quand la révolution de 1789 éclata. Il n’a pas ouvertement fermé la Russie aux Français, comme fit l’impératrice, mais il a opposé tous les obstacles possibles aux communications entre la Russie et la France ; il n’a pas fermé ses ports à nos vaisseaux ; il n’a pas déchiré les traités de commerce, mais il a été violemment tenté de le faire, et il l’eût peut-être fait sans les représentations de son vieux, sage et prudent ministre des finances. Qu’est-il résulté de ces dispositions ? Comme ses prédécesseurs au trône et dans la voie des inimitiés contre la France, l’empereur s’est calmé en présence de toutes les considérations que j’ai signalées en commençant cet écrit, et qui s’élèvent aujourd’hui plus puissantes que jamais. Or, le caractère de l’empereur actuel le dispose à sentir mieux que personne l’importance de ces considérations. L’empereur a des idées vraiment chevaleresques, des pensées de religion qui ne l’abandonnent jamais, des sentimens nationaux poussés presque à l’excès ; mais ce qui domine en lui, c’est l’esprit d’affaire le plus vif et le plus pénétrant, la faculté de s’arrêter à point, de ne pas laisser obscurcir son intelligence par la grandeur du pouvoir dont il dispose, de ne se dissimuler aucun obstacle, quelque petit qu’il soit, de juger avec supériorité les circonstances où les ménagemens feraient plus que la force, et de faire céder à propos à ce tact appréciateur toutes ses passions, toute la vivacité de son courage de soldat et de son orgueil de prince. S’il m’était permis de faire une comparaison, je dirais que l’empereur