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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/431

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LE FRONTON DU PANTHÉON.

franchise. La Patrie reçoit des mains de la Liberté les couronnes qu’elle distribue, et l’Histoire inscrit les noms des grands hommes couronnés. La Patrie est debout, l’Histoire et la Liberté sont assises. La tête de la Patrie satisfait à toutes les conditions de la sculpture monumentale ; non-seulement l’expression est ce qu’elle devait être, calme et majestueuse, mais l’inflexion de la tête, combinée avec la direction du regard, donne à cette figure un merveilleux caractère de prévoyance. Il semble que la Patrie plonge déjà dans les profondeurs de l’avenir, et qu’elle prépare, pour les services futurs que lui rendront ses enfans encore à naître, les trésors inépuisables de sa reconnaissance. Les lignes et les plans de la tête sont d’une simplicité comparable aux plus beaux monumens de l’art antique ; l’orbite est d’une ampleur prodigieuse, et la paupière supérieure, en se repliant sous la voûte de l’orbite, agrandit encore le champ du regard ; les bras sont modelés avec une pureté qui défie l’analyse la plus patiente, et qui révèle, chez le statuaire, une science consommée. Pour agrandir la nature sur une pareille échelle sans violer l’harmonie des proportions, il faut connaître le modèle humain dans ses moindres détails, et surtout les relations qui régissent les diverses parties de ce modèle. Or, M. David est sorti victorieux de cette périlleuse épreuve ; les deux bras de la Patrie sont traités avec tant de vraisemblance, l’harmonie des proportions est si religieusement respectée, que l’œil s’aperçoit à peine de l’agrandissement du modèle ; malheureusement la draperie ne mérite pas les mêmes éloges. Je n’ai rien à dire des plis qui tombent sur les pieds ; mais, depuis les épaules jusqu’à la ceinture, l’étoffe est mal ajustée, les plis sont lourds et ne traduisent aucune forme. Phidias et Jean Goujon ajustaient leurs draperies sur le modèle vivant, et l’étoffe ciselée par leurs mains n’avait jamais une souplesse égoïste. Certes, si M. David eût suivi l’exemple de ses illustres devanciers, il n’aurait pas commis la faute que je lui reproche, et la draperie de sa figure, au lieu d’accabler le corps qu’elle recouvre, le dessinerait et continuerait, sous l’étoffe obéissante, les lignes et les contours des parties nues.

La tête de la Liberté est pleine d’ardeur et d’énergie ; les narines dilatées et palpitantes respirent l’enthousiasme ; l’œil levé vers la Patrie a quelque chose d’impérieux ; les lèvres fines et comprimées ajoutent encore à l’expression de la physionomie ; le profil entier de cette tête se recommande par les qualités les plus rares. La Liberté, telle que l’a conçue, telle que nous la montre M. David, est jeune, hardie, amoureuse du combat et de la mêlée ; mais sa hardiesse