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CRITIQUES ET MORALISTES FRANÇAIS.

ple étudiant encore, ne fut pas sans quelque influence, et cette poésie légère d’université, il l’employa à quelques chansons, devenues aussitôt populaires, contre les Bernois, contre l’ours de Berne. — L’homme que nous verrons si modéré, si tolérant, si timide même, ne manque pas d’une certaine énergie ardente que ses autres qualités recouvrent. Et si, par la délicatesse exquise de sa modestie, il sort un peu de la manière plus couramment démocratique des mœurs de son pays, il y rentre tout-à-fait par cette énergie et cette faculté de résistance, qui ne s’affiche pas, mais se retrouve toujours. Chez M. Vinet, elle a de plus toute la consécration du devoir réfléchi et saint.

Il est probable qu’à cette période de jeunesse plus hardie, il accueillait les productions de M. de Châteaubriand et de Mme de Staël, et applaudissait à ce mouvement de la littérature extra-impériale, plus vivement qu’il n’a fait à celui de 1825 à 1830, qui le trouva déjà mûr et auquel il a dès l’abord moins cru.

Mais les idées morales, religieuses, chrétiennes, eurent toujours le pas dans son esprit sur les opinions purement littéraires. Né dans la réforme, à un moment où le besoin d’un réveil religieux s’y faisait sentir, il participa tout-à-fait à ce mouvement de réveil, sans le pousser jamais jusqu’à la séparation, à l’exclusion et à la secte. Sa prudence consciencieuse, sa doctrine, toujours éclairée de charité, lui attirèrent, jeune, la considération qui, avec les années, est devenue autour de lui une révérence universelle. Étant encore étudiant en théologie, il fut appelé à l’université de Bâle, comme professeur de littérature française. Il accepta, et revint ensuite à Lausanne passer ses examens de ministre et recevoir la consécration. À Bâle, il professe depuis près de vingt ans[1], et le fruit de son enseignement littéraire se retrouve en substance dans les trois portions de sa Chrestomathie, dont les deux premiers discours préliminaires sont d’importantes dissertations, et dont le troisième est un précis historique de toute la littérature française, morceau capital de l’auteur et chef-d’œuvre du genre.

Comme pasteur et prédicateur évangélique, sa doctrine et sa manière se peuvent approfondir dans ses Discours sur quelques sujets religieux, dont la troisième édition, publiée en 1836, contient de remarquables additions. Plusieurs discours, notamment les deux qui ont pour titre : l’Étude sans terme, sont des modèles de ce genre, mi-

  1. M. Vinet, nommé depuis peu professeur d’éloquence de la chaire dans l’académie de Lausanne, telle qu’elle se développe aujourd’hui, doit y revenir, et par conséquent quitter l’université de Bâle.