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écouté ; car si l’on excepte un petit nombre de puissantes intelligences qui vivaient par elles-mêmes, et d’une vie indépendante, les écoles littéraires de la restauration se préoccupaient, à peu près exclusivement, de la forme prise en soi, de la forme égoïste ; et les iambes, malgré la beauté de forme qui les recommande aussi bien que l’énergie de la pensée, n’eussent pas paru assez coquettement ciselés. C’est donc une œuvre née du temps même où elle est venue, et le poète a réussi nécessairement : il a été ce qu’il devait être, sincère, énergique, hardi ; mais il était attendu. Mais de ce qu’il a tracé dans le champ de la satire un sillon profond et lumineux, faut-il conclure qu’il doit rester dans le champ de la satire, et ne jamais tenter de fouiller un autre sol ? À notre avis, cette limitation impérieuse de la pensée ne peut être approuvée. Sans doute c’est un grand bonheur pour le poète de trouver des cœurs qui attendent sa parole, et qui la reçoivent comme une rosée fécondante ; mais si le poète ne chantait qu’avec la certitude d’être écouté, il oserait bien rarement rompre le silence. Il est donc naturel qu’il cherche hors du cercle des sentimens généraux le thème de ses méditations. Il ne sera écouté qu’à la condition d’éveiller dans l’ame de l’auditoire une série de sentimens pareils à ceux qu’il exprime ; mais, si personnel que soit le thème de ses méditations, il est assuré de la sympathie, s’il n’est pas sorti de la vérité ; il rencontre au fond des cœurs des souvenirs confus qui ne savent comment se révéler, et qui sont heureux de trouver un interprète. Ne pas chanter parce qu’il n’apercevrait pas autour de lui un besoin évident qui demande un organe, serait de sa part une défiance puérile. D’ailleurs l’esprit le plus logique dans ses volontés ne peut pas se condamner à l’exécution d’une série d’œuvres uniformes et immuables. Je conçois très bien que la satire n’ait pas offert à M. Barbier un champ indéfini, et qu’il ait tourné ses regards vers l’Italie. En changeant le sujet de ses études, il a, je crois, consulté l’opinion publique autant que ses propres dispositions ; il a senti que les passions politiques n’étaient, pas plus que les passions d’un autre ordre, capables de durer sans se déplacer, et sans doute il s’est promis d’attendre, pour recommencer son œuvre satirique, que des vices nouveaux se fussent révélés. À notre avis, c’est de la sagesse.

Rajeunir éternellement les sujets déjà traités, non-seulement par la nouveauté de l’expression, mais par le fond même des pensées, est un des priviléges les plus beaux et les moins contestés de l’imagination ; M. Barbier a donc bien fait de se proposer l’Italie comme thème, malgré les poèmes nombreux que cette terre consacrée a déjà