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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/716

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REVUE DES DEUX MONDES.

certain Paul de Bigorre, au célèbre Symmaque, et qu’il fit avec eux de nombreux échanges de vers et de prose.

Déjà vieux, le professeur émérite adressa à son petit-fils encore enfant des conseils sur ses études futures, rajeunissant à ces souvenirs de la vie scholaire. Plus tard encore, il composa pour le même petit-fils adolescent un poème genethliaque, espèce d’horoscope en vers, dans lequel il lui prédisait une destinée semblable à sa propre destinée. Ainsi Ausone termina sa longue et paisible carrière, dans l’espoir que son plus jeune descendant allait la recommencer.

Ausone était-il chrétien ? Ce point a été controversé, et l’est encore. Il est assez curieux qu’il en soit ainsi, que la vie d’un homme dont nous possédons un grand nombre d’ouvrages donne lieu à une telle incertitude. Pour moi, cette incertitude n’existe pas ; Ausone ne fut point évêque, comme on l’a cru au moyen-âge, mais il fut chrétien. On ne peut, selon moi, lui refuser d’être l’auteur de la pièce de vers qui commence ainsi :

Sancta salutiferi redeunt jam tempora paschæ,


« voici revenir le saint temps de la pâque salutaire ; » car cette pièce contient une explication du mystère de la Trinité par l’unité impériale composée des trois princes, Valentinien, Valence et Gratien, qui est tout-à-fait dans le goût d’Ausone.

Ce qui achève de démontrer que cette pièce de vers, dans laquelle les principaux dogmes de la foi chrétienne sont énoncés avec une scrupuleuse orthodoxie, est bien d’Ausone, c’est que, venant dans ses œuvres immédiatement avant l’hommage funèbre qu’il adresse à la mémoire de son père, elle est liée à celui-ci par un morceau de prose intermédiaire, servant de transition entre l’une et l’autre, et qui commence par ces mots : « Après Dieu, j’ai toujours honoré mon père ; je devais à l’auteur de mes jours mon second respect ; c’est pourquoi cet hommage au Dieu suprême est suivi de l’éloge funèbre de mon père. » Voici donc un acte de foi bien positif d’Ausone. Sa prière insérée dans l’Ephemeris, petit poème dont nous allons parler, contient une autre profession de foi non moins explicite, et l’expression, souvent assez poétique, de sentimens chrétiens. Quant à la pratique, dans cette même pièce de l’Ephemeris, on voit qu’Ausone avait une chapelle où il adressait sa prière du matin à la Trinité[1]. Il célébrait la fête de pâque, car il écrit à Paul que les

  1. Pateatque fac sacrarium… Deus precandus est mihi ac filius summi Dei… Majestas unius modi sociata sacro Spiritui.