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AUSONE ET SAINT PAULIN.

solennités de la pâque, qui approche, le rappelleront à la ville[1]. On ne peut donc douter qu’Ausone ne crût au christianisme et ne le pratiquât. Mais si Ausone était chrétien par la conviction, et même par les observances du culte, dès qu’il écrivait, il oubliait complètement sa croyance, et ses habitudes le rejetaient dans le paganisme. Ce phénomène est assez piquant pour être observé avec quelque soin. Je ne parle pas ici des passages empreints de ce déisme vague, aussi voisin de Platon que de l’Évangile, qui se trouve dans la Consolation de Boëce, surtout dans cette belle prière :

Tu qui perpetuâ mundum ratione gubernas.
Ô toi qui gouvernes le monde par un ordre éternel.

On pourrait rapporter à cette croyance incertaine l’invocation assez imposante qu’Ausone a placée à la fin du panégyrique de Gratien. « Ô père éternel et incréé des êtres ! ouvrier et cause du monde, qui as commencé avant l’origine des temps et dureras après leur fin ; toi qui as caché tes temples et tes autels dans le sanctuaire des ames des initiés… »

Mais ici encore je retrouve le christianisme, bien qu’il soit question d’initiés. L’église, dans les premiers siècles, affecta souvent d’avoir aussi ses initiations et ses mystères. Ce passage n’est donc point un de ceux dont la pensée et l’expression païenne peuvent surprendre chez un poète chrétien, mais ceux-ci abondent dans les œuvres d’Ausone ; ainsi la veille des calendes de janvier, jour où il devait revêtir le consulat, il adresse une prière à Janus. Les éloges funèbres qu’il a consacrés à la mémoire de plusieurs personnes de sa famille lui fournissaient une occasion bien naturelle d’exprimer, à propos de la mort de ses pareils, quelques sentimens chrétiens, de faire quelques allusions aux dogmes et aux espérances du christianisme. Il s’en garde. C’est un rite païen qu’il accomplit en dédiant aux proches qu’il a perdus ces poésies funèbres. Il les intitule Parentalia, en mémoire de la fête des parentales, instituée par Numa[2]. Il s’exprime constamment selon l’esprit des croyances et des coutumes païennes. Les cendres recueillies, dit-il, se plaisent à s’entendre nommer[3].

  1. Instanter revocant quia nos solemnia paschæ.
  2. Il le dit dans sa préface et le répète dans la première de ses élégies.
  3. Gaudent compositi cineres sua nomina dici.
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    Ille etiam mæsti cui defuit urna sepulchri
    Nomine ter dicto pene sepultus erit.