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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/438

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REVUE DES DEUX MONDES.

potentiaire français reçut l’ordre de soutenir cette demande avec force, d’insister sur une réduction considérable de la dette, et en général de ne s’arrêter qu’aux limites du raisonnable et du possible, toutes les fois qu’il s’agirait des intérêts de la Belgique. Ainsi la question n’est pas sortie des termes que j’avais nettement posés dans mes premières lettres : adoucissement en faveur de la Belgique dans les clauses financières du traité, et dans les stipulations fluviales ; maintien des stipulations territoriales, je ne dirai pas contre la Belgique, mais dans le sens de son acquiescement primitif, acquiescement inévitable alors, contre ses regrets et ses protestations d’aujourd’hui.

Comme nous tâchons de faire ici de la politique sérieuse, j’ai voulu, en traitant avec vous la question belge, me défendre de toute illusion, de tout entraînement sentimental, de toute déclamation révolutionnaire, non pas faute de sympathie pour la Belgique, d’intérêt pour sa nationalité, d’attachement pour la cause libérale en Europe ; et, sous ce rapport, M. de Mérode ne m’a pas rendu justice. Mais je croyais qu’il était essentiel de préciser tout de suite le possible, et je ne m’y suis pas trompé. D’ailleurs, je pouvais, en ma qualité de Français, au point de vue des intérêts de mon pays et de la situation générale, ne pas m’échauffer là-dessus comme les publicistes belges. Aussi ne me suis-je pas reproché le langage peut-être un peu dur que j’ai tenu dans cette polémique, et aujourd’hui comment me le reprocherais-je, moi qui sais que le gouvernement belge se reconnaît dans l’impossibilité absolue de demander à la conférence un changement quelconque dans les stipulations territoriales du traité de 1831 ? Pour la dette, c’était bien différent, quoique le traité fût un, et qu’il eût été intégralement signé par les plénipotentiaires belges, approuvé par le congrès, ratifié par le roi Léopold. Et néanmoins, je le répète, c’était bien différent ; on invoquait l’équité, on rappelait les réserves de la conférence, ses hésitations, leur effet moral, que rien n’avait pu annuler. Pour les questions fluviales, l’intérêt de la Belgique se confondait avec celui de la Prusse, de la confédération germanique et de l’Angleterre. Ajoutez-y des principes de justice conformes à ces intérêts, et vous verrez qu’on pouvait, qu’on devait réussir à les faire résoudre en faveur de la Belgique. Pour les questions territoriales, au contraire, rien de pareil : les prétentions de la Belgique sur le Luxembourg condamnées dès l’origine, et par les autorités les moins suspectes ; un échange de partie du Luxembourg contre partie du Limbourg consenti avec la plus grande peine, et cela se conçoit, par le roi Guillaume, par ses agnats de la maison de Nassau, par la confédération germanique ; trois puissances, l’Autriche, la Prusse et la Russie, formellement opposées à toute modification ; l’Angleterre plus qu’indifférente ; le gouvernement belge, plus effrayé que satisfait des démonstrations populaires, des comités patriotiques et autres manifestations extralégales qui inquiètent toujours un gouvernement ; la France, comprenant sans doute l’inconvénient d’avoir à portée de sa frontière la forteresse fédérale de Luxembourg, mais liée comme les autres puissances par ses engagemens de 1831,