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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/576

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grand ; mais, au moins, on ne peut douter du désir sincère de l’écrivain en faveur de ces capacités, et de la franchise de ses regrets en voyant la royauté privée momentanément du secours de ces lumières !

Nous savons déjà ce que serait le gouvernement modèle de M. Duvergier de Hauranne. Nous avons vu ce qu’était le gouvernement des doctrinaires quand ils n’avaient plus M. Thiers pour les modifier et les maintenir dans la route que leur avait ouverte Casimir Périer, dans la route du pouvoir où, par faiblesse pour le parti avancé de juillet, M. Guizot semait des préfets et des sous-préfets de l’extrême gauche, avant la formation du ministère du 13 mars. Nous avons vu les doctrinaires dans le cabinet du 6 septembre, qui s’est dissous uniquement parce que M. Guizot et ses amis refusaient d’admettre au ministère de l’intérieur, à la place de M. de Gasparin, M. de Montalivet, esprit net et ferme, sous lequel M. Duvergier de Hauranne n’aurait pu exercer le métier de ministre, dans son incognito habituel. Nous avons vu l’esprit le plus conciliant forcé d’abandonner les doctrinaires, qui débordaient de tous côtés par la virulence de leurs humeurs, comme M. Thiers avait été forcé de le faire lors de la dissolution du cabinet du 11 octobre. Et M. Duvergier de Hauranne viendra maintenant faire un tableau aussi sombre qu’inexact d’une administration qui a donné à la France, malgré les doctrinaires, l’amnistie, la paix et un surcroît de territoire en Afrique, la prospérité et l’extension des affaires commerciales, et au roi la sécurité de ses jours. M. Duvergier de Hauranne se plaindra de ce qu’une politique conciliatrice a mis trêve au système intimidateur par lequel, fermant les yeux à l’esprit public puissamment amélioré, on voulait perpétuer l’état de choses contraire ? La chambre jugera si elle doit revenir à ce système, et donner raison à M. Duvergier. La demande est assez publique pour mériter une réponse solennelle.

Nous venons au reproche de corruption, adressé par M. Duvergier de Hauranne au gouvernement. Il sied bien aux doctrinaires de parler de corruption, quand, après l’avoir portée au pouvoir, ils la portent aujourd’hui dans l’opposition, en donnant un spectacle nouveau dans le gouvernement représentatif, celui d’hommes qui déclarent publiquement qu’ils voteront avec l’opposition, dont ils ne partagent pas les vues politiques, contre une administration qui réalise les leurs ; qui auront des boules blanches pour la réforme, pour l’intervention, pour tout ce qu’ils désapprouvent, uniquement pour renverser l’ennemi commun. M. Duvergier de Hauranne déclare qu’il y a eu abus d’emplois publics par le gouvernement, que des distinctions personnelles ont payé des services qui devraient être payés autrement. Au compte de M. Duvergier, il ne faut pas avoir le malheur d’être homme de talent quand on ne siége pas sur les bancs de la chambre ; sapez, attaquez le gouvernement, bouleversez tout, vous aurez, de la main de M. Duvergier et de ses amis, quand ils sont dans l’opposition, un brevet d’honnête homme et d’indépendant ; mais si vous êtes pour l’ordre, pour la conservation de ce que les doctrinaires conserveront aussi quand ils seront en place, gare à vous, M. Duvergier ouvrira ses mains, et les plus lâches, les plus infâmes calomnies pleuvront sur votre tête. Cependant, si vous voulez vous joindre