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REVUE. — CHRONIQUE.

à l’opposition, vous serez accueilli avec joie, et les calomnies se changeront en fleurs qu’on sèmera sur vos pas. Au contraire, si vous avez été jamais de l’opposition, et surtout de l’opposition contre les doctrinaires, on n’examinera pas si ceux que vous souteniez sont aux affaires, si ceux que vous combattiez sont dehors ; vous serez corrompus, le pouvoir corrupteur, et quelque talent, quelques titres qu’aient ceux qu’il élève, il suffira qu’ils tiennent une place, pour qu’on veuille les dégrader. Bel antécédent pour les écrivains de l’opposition qui ouvrent aujourd’hui la voie du pouvoir aux doctrinaires ! Ils savent d’avance le degré d’estime qu’on leur porte, et l’état qu’on fera d’eux !

Mais nous sommes trop justes pour faire peser sur tout le parti doctrinaire la violence et l’injustice des accusations d’un écrivain qui compromet son propre parti par l’animosité de sa haineuse faconde. Certes ce ne sont pas les hommes qui ont supporté le poids des affaires avec toute la responsabilité qui s’y attache, ce n’est pas M. Guizot, par exemple, qui viendrait nous parler de corruption. Quand M. Guizot était ministre de l’instruction publique, une pension considérable fut attribuée, sur le fonds d’encouragement aux lettres, à un recueil qui ne naquit que plusieurs mois après cet acte de munificence ; était-ce là de la corruption ? Quand M. Duvergier de Hauranne était tout-puissant au ministère de l’intérieur, un encouragement de 100,000 francs fut donné au Panthéon littéraire, une autre souscription de 100,000 francs fut accordée, pour la même spéculation, par M. Guizot, ministre de l’instruction publique ; était-ce encore de la corruption ? M. Duvergier de Hauranne veut-il nier que des places d’administration, que des places au conseil d’état, que des emplois de tout genre, jusqu’à des brevets d’imprimeurs, aient été accordés à des amis et à des partisans du ministère doctrinaire, qui les méritaient sans doute, mais qui avaient pour titres des services rendus au gouvernement dans la presse ? Où le gouvernement prendra-t-il les hommes de talent qui peuvent remplir des fonctions, si ce n’est parmi les hommes de talent qui marchent avec lui ? Et que sont les doctrinaires, s’il vous plaît ? que sont M. Guizot, M. Duchâtel, qu’est M. Thiers, sinon des écrivains pleins de talent que le gouvernement a appelés à lui ? Aussi les trouverait-on sans doute d’un autre avis que M. Duvergier de Hauranne, dont le talent médiocre et inquiet a raison de ne pas aspirer à des situations aussi hautes.

Résumons. L’opposition de gauche est violente, animée, souvent injuste, elle ne marchande pas les moyens ; mais c’est une opposition enfin. Il y a là des passions politiques, un désir vrai de modifier, de changer les affaires. Les uns trouvent que la chambre n’est pas assez avancée, que la vie politique est trop restreinte ; ils demandent la réforme ; ils sont pour qu’on élargisse le cercle. Les autres se sont créé une France utopique ; ils la voudraient comme au temps de l’empire, l’épée haute en Europe, menaçant de tout détruire, si on ne la laisse dominer ; pensée impossible à réaliser dans l’état actuel de l’Europe, où les grandes puissances telles que la France, et la France surtout, n’assureront leur avenir que par un respect religieux pour la foi jurée des traités, quels qu’ils soient. M. Thiers est pour l’intervention ; il est venu