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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/65

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MARGOT.

pleura amèrement. Dès qu’elle fut revenue à elle-même, elle eut soin de tirer son verrou, afin que personne ne fût témoin de sa douleur. Ainsi enfermée, elle se sentit plus libre et commença à démêler peu à peu ce qui se passait dans son ame.

Malgré son extrême jeunesse et le fol amour qui l’occupait, Margot avait beaucoup de bon sens. La première chose qu’elle sentit, ce fut l’impossibilité où elle était de lutter contre les évènemens. Elle comprit que Gaston aimait Mlle de Vercelles, que les deux familles s’étaient accordées et que le mariage était décidé. Peut-être le jour était-il fixé déjà ; elle se souvenait d’avoir vu, dans la bibliothèque, un homme habillé de noir qui écrivait sur du papier timbré ; c’était probablement un notaire qui dressait le contrat. Mlle de Vercelles était riche, Gaston devait l’être après la mort de sa mère ; que pouvait-elle contre des arrangemens pris, si naturels, si justes ? Elle s’attacha à cette pensée, et plus elle s’y appesantit, plus elle trouva l’obstacle invincible. Ne pouvant empêcher ce mariage, elle crut que tout ce qui lui restait à faire était de ne pas y assister. Elle tira de dessous son lit une petite malle qui lui appartenait, et elle la plaça au milieu de la chambre, pour y mettre ses hardes, résolue à retourner chez ses parens ; mais le courage lui manqua : au lieu d’ouvrir la malle, elle s’assit dessus et recommença à pleurer. Elle resta ainsi près d’une heure, dans un état vraiment pitoyable. Les motifs qui l’avaient d’abord frappée se troublaient dans son esprit ; les larmes qui coulaient de ses yeux l’étourdissaient ; elle secouait la tête comme pour s’en délivrer. Pendant qu’elle s’épuisait à chercher le parti qu’elle avait à prendre, elle ne s’était pas aperçue que sa bougie allait s’éteindre. Elle se trouva tout à coup dans les ténèbres ; elle se leva et ouvrit sa porte, afin de demander de la lumière ; mais il était tard et tout le monde était couché. Elle marcha néanmoins à tâtons, ne croyant pas l’heure si avancée.

Lorsqu’elle vit, en descendant, que l’escalier était obscur, et qu’elle était, pour ainsi dire, seule dans la maison, un mouvement de frayeur, naturel à son âge, la saisit. Elle avait traversé un long corridor qui menait à sa chambre ; elle s’arrêta, n’osant revenir sur ses pas. Il arrive quelquefois qu’une circonstance, en apparence peu importante, change le cours de nos idées ; l’obscurité, plus que toute autre chose, produit cet effet. L’escalier de la Honville était, comme dans beaucoup de vieux bâtimens, construit dans une petite tourelle qu’il remplissait en entier, tournant en spirale autour d’une colonne de pierre. Margot, dans son hésitation, s’appuya sur cette colonne, dont le