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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/837

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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

Le clergé romain d’Angleterre et d’Écosse porte, dans la grande entreprise, chaque jour plus fortement combinée sur tous les points du royaume, une persévérance et un sang-froid qui tiennent également, et à l’église dont il est membre, et à la nation à laquelle il appartient. Une confiance de plus en plus énergique dans le résultat final, se combinant avec une prudence dans les moyens qu’on serait tenté de taxer de froideur, si l’on ne descendait au fond de ces ames ardentes et concentrées ; tel est le plus saillant caractère de cette apostolique mission qui préoccupe aujourd’hui les plus hautes intelligences au sein de la Grande-Bretagne.

Par une appréciation parfaite de sa position, le clergé catholique compte moins sur ses propres efforts que sur l’immense dissolution qui s’opère autour de lui. Ferme dans sa foi autant qu’impassible dans son attitude en face des nombreuses sociétés qui s’organisent de toutes parts pour s’opposer à ses progrès, il laisse passer sans s’émouvoir les déclamations furieuses d’Exeter-Hall, répétées dans une enceinte plus élevée[1] ; il voit tomber chaque jour autour de lui le fanatisme et la haine ; et s’il n’entame guère la population agricole des comtés, qui se maintient presque tout entière dans le giron de l’église établie, le peuple et la bourgeoisie des villes lui deviennent de plus en plus favorables. Des hourras frénétiques ont accueilli dans la cité puritaine de Jean Knox la profession de foi d’O’Connell, ce révolutionnaire à sa façon, qui fait des retraites à la Trappe et communie tous les dimanches, enveloppé de son manteau.

Comment s’étonner de ce retour au sein d’une nation profondément religieuse, sur les lèvres de laquelle l’esprit de secte brise chaque jour le vase où elle se désaltère ? Et puis, comprenez-le, ces prêtres-là n’ont ni femmes ni enfans dont le souvenir les détourne d’un lit de mort ; la pauvreté ne les effraie pas, car ils n’ont pas les soucis de la famille, les seuls par lesquels la pauvreté soit terrible. On ne les voit pas emporter la gerbe du laboureur, exiger pour l’entretien de leurs temples le denier de l’artisan qui refuse de s’agenouiller à leurs autels. Heureusement dégagés en Angleterre de la dangereuse position que de funestes circonstances leur font en Irlande, les prêtres catholiques ne passent pas leur vie, comme les curés anglicans, à recueillir des signatures et à présider des meetings contre toutes les

  1. Motion du duc de Newcastle à la chambre des pairs, 30 mars 1836, à l’effet d’obtenir des renseignemens précis sur les progrès alarmans du catholicisme, tant sous le rapport du nombre de néophytes que sous celui des chapelles bâties ou en construction, colléges, monastères, etc.