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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/102

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REVUE DES DEUX MONDES.

vous les restituer le jour où la baisse apparente et nécessaire de nos actions vous ferait croire l’argent plus précieux que le papier. Ce n’est pas mon opinion, à moi, car j’ai converti tout mon or en papier. J’ai acheté des terres en or, et je les ai revendues en papier. J’ai foi au papier, messieurs, c’est ma conviction ! c’est le résultat des plus consciencieuses études et du plus sévère examen. Mais de ce que je préfère le papier, il ne résulte pas que vous ne soyez pas les maîtres de vos fonds. L’exécution de l’arrêt qui frappe d’interdiction la possession d’une certaine somme monnayée peut d’ailleurs m’atteindre aussi bien que vous, quoiqu’il y ait plus de chances contre vous que contre moi. Je vous prie donc de reprendre chacun ce qui vous appartient, et de renoncer aux bénéfices de l’affaire. J’y aurai regret pour vous ; mais je serai heureux de me débarrasser d’une aussi grande responsabilité dans un moment de crise aussi fâcheux. Un homme tel que moi ne peut se soumettre deux fois dans sa vie à l’injure du soupçon, et je sens que je n’aurais pas la force de supporter une seconde scène comme celle d’aujourd’hui.

LE DUC DE LA F…

Mais où prendriez-vous l’argent pour le rendre ?

BOURSET.

Tenez, messieurs, voyez… (Il ouvre les panneaux de boiserie, et leur montre plusieurs rangées de coffres-forts sur des compartimens.)

LE DUC.

En voici bien d’une autre !

BOURSET.

Allons, messieurs, parlez, j’attends votre décision. Faut-il appeler mon caissier et faire compter à chacun de vous la somme qui lui revient ? Il faudra bien que vous renonciez aux bénéfices ; car, vu l’état des choses, je ne puis rembourser que les intérêts du capital.

LE COMTE DE HORN.

Et pourquoi donc y renoncerions-nous ? qui donc a besoin de son capital ici ? Sommes-nous des gens de rien pour ne pouvoir risquer chacun une bagatelle de cinquante, cent, deux cent mille livres ? Il y a là une affaire magnifique. Moi, je ne veux pas y renoncer. Les fonds sont en sûreté chez M. Bourset de Puymonfort. Appuyé comme il l’est par le régent, et ami intime de Law, il fera révoquer l’arrêt avant qu’on ait songé à examiner sa caisse. Qui l’oserait d’ailleurs ? Nous, nous ne passerions pas vingt-quatre heures avec des fonds sans être inquiétés. Ainsi, mon avis est que nous donnions à l’honnête et respectable M. Bourset une preuve de notre confiance en réparation de l’outrage que nous n’avons pu empêcher aujourd’hui. Qu’il garde nos fonds et qu’il les fasse valoir. Nous avons été trompés par de faux renseignemens, l’affaire est meilleure que jamais. Il faudrait être lâche pour renoncer à l’avenir que l’habileté, la probité et l’immense solvabilité de M. Bourset ouvrent devant nous.

LE DUC DE LA F…

C’est mon avis.