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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/101

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LES MISSISSIPIENS.

pour le tout !… Allons, le sort en est jeté. C’est à présent, Bourset, qu’il faut montrer si tu es un grand spéculateur ou un parfait imbécille. (Au duc, qui rentre.) Monsieur le duc, sommes-nous enfin seuls ? Veuillez fermer les portes derrière vous.

LE DUC.

Et pourquoi diable !

BOURSET, fermant les portes.

Il est temps que vous me connaissiez. Vous saurez tout à l’heure jusqu’où peut aller le stoïcisme d’un homme qui se laisse accabler dans le sein même de sa famille, plutôt que de trahir les intérêts qui lui sont confiés. Tous ces messieurs sont-ils encore dans mon cabinet ?

LE DUC.

Je le présume. Après ?

(Bourset va vers le cabinet d’un air tragique et ouvre la porte à deux battans.)
LE DUC.

Que diable va-t-il faire ? Se brûler la cervelle devant la compagnie ?

(Il veut l’arrêter.)
BOURSET, d’une voix forte.

Messieurs !… messieurs !… ayez la bonté de me suivre ici.

(Entrent le duc de La F., le duc de M., le comte de Horn, le marquis de S., et plusieurs autres.)
BOURSET.

Tout n’est pas perdu, comme vous le croyez. Je n’ai pu m’expliquer devant un étranger ; ma justification entraînait la révélation d’un secret qu’il eût divulgué, et qui ne doit être connu que de vous. (On ferme les portes et les fenêtres avec soin.) Je me suis laissé accabler, je porte tout le fardeau de l’accusation et toute l’amertume de vos doutes. J’ai dû attendre que l’ennemi fût sorti de ma maison… Ce que j’ai souffert durant cette heure de tortures, vous l’apprécierez quand vous saurez quel homme vous avez laissé traduire devant vous comme un criminel devant un tribunal.

LE DUC.

Où diantre va-t-il en venir ? Il me fait peur ! (Bas à Bourset.) Bourset, mon ami, calmez-vous. Que diable ! tout n’est pas perdu !

BOURSET.

Tout est sauvé, au contraire, monsieur le duc. Messieurs ! étant déjà chargé de fonds immenses au moment où vous m’avez supplié et presque forcé d’accepter les vôtres, je me suis réservé de les faire valoir en temps et lieu, et jusque-là je les ai regardés comme un dépôt qui m’était confié, et que je devais garder dans mes mains, sauf à tirer les intérêts légaux de ma poche, si je ne trouvais pas un placement sûr et avantageux pour vous. Plus tard, initié au projet de loi qui vous frappe aujourd’hui d’inquiétude et de déplaisir, après avoir vainement combattu cet arrêt, j’ai résolu de vous en préserver, et, loin d’échanger les valeurs que vous m’aviez remises, je les ai intégralement conservées, afin de