Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/464

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
460
REVUE DES DEUX MONDES.

tous les publicistes qui ont écrit avec autorité sur les finances de l’Angleterre, Price, Stewart, John Sainclair, Colquhoun, Robert Hamilton, dont l’avis est de si grand poids, ont condamné cette tendance à abaisser fictivement le taux de la dette, qui, en gonflant le capital, éloigne le terme de la libération. Ce n’est donc pas faire un progrès dans la carrière du crédit que d’adopter, au milieu d’une incontestable prospérité, les expédiens financiers subis par nos voisins dans les jours de détresse[1].

Y aura-t-il reflux des capitaux dans la région des affaires, et, par suite, abaissement du prix de l’argent ? Assurément non. Si les rentiers se liguaient pour demander à être remboursés, la conversion et ses prétendus bienfaits seraient réduits à néant. Si, au contraire, elle était acceptée, il n’y aurait qu’une diminution des revenus de chacun et non pas diffusion des sommes aujourd’hui détenues par l’état. Mais à quoi bon discuter les promesses dorées des convertisseurs ? Le ministre qui a présenté la loi en a fait justice le premier, en disant dans l’exposé de son projet : « On sait maintenant à quoi s’en tenir sur les effets de la mesure. Si l’on ne croit plus que le remboursement des rentes 5 pour 100 et leur conversion en effets à un titre inférieur puissent influer directement sur le taux de l’intérêt, du moins ne conteste-t-on plus la réalité des avantages à recueillir de la diminution des arrérages acquittés par l’état. »

L’opération ne devant aboutir qu’à une économie pour le trésor, il nous reste à tracer le plan financier de la campagne, à indiquer la situation respective des trois partis qui s’y trouvent engagés, les rentiers, l’état et les agioteurs.

Le fonds 5 pour 100, qui doit être soumis à la conversion, donne en nombre rond la somme de 147 millions. Il faut commencer par en distraire environ 37 millions, qui appartiennent à l’amortissement, à la Légion-d’Honneur, aux invalides de la marine, aux communes, aux hospices, à divers établissemens publics et religieux. La chambre des députés n’a pas admis cette exception, et a voulu que la radiation du 5 pour 100 fût complète. Ce sera une fiction de plus dans la loi, que d’appauvrir des institutions dont les besoins retombent forcément à la charge du trésor public. La somme retranchée au chapitre de la dette reparaîtra infailliblement à quelque autre page du budget. Il n’est pas moins évident qu’il n’y a pas de bénéfice réel sur le dixième retranché aux rentes de l’amortissement. Si l’on ne tient pas à grossir les chiffres pour se faire illusion à soi-même, il faut laisser en dehors cette somme de 37 millions, et ne faire porter les calculs que sur une rente de 110 millions de francs.

Pour bien apprécier la résolution prise par la majorité de la chambre, il faut la comparer au système développé par la commission.

Aux termes du rapport, les détenteurs du 5 pour 100 avaient à opter entre les trois propositions suivantes :

  1. Vienne une crise politique, et l’état sera sans doute trop heureux d’obtenir des secours à 5 pour 100 ; mais ce dernier titre étant rayé du grand-livre, il faudra donner du 4 1/2 à 90 ou même du 4 à 80, c’est-à-dire qu’on acceptera un capital surchargé de 10 à 20 pour 100.