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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/134

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loisir et les attache au foyer domestique, ce qui est le principal objet que j’ai en vue. Aussitôt que la classe de dessin est terminée, la classe de musique commence et dure jusqu’à neuf heures. Cette réunion se compose de jeunes filles et de jeunes hommes, au nombre de vingt-huit. Nous nous bornons à la musique sacrée. La classe de musique est très populaire, surtout parmi les jeunes filles, et l’on considère comme un grand privilége d’y être invité. »

Les propriétaires de l’établissement ne se contentent pas de pourvoir à la culture intellectuelle et morale de la jeune population qui croît sous leurs yeux. Persuadés que l’oisiveté est la principale cause de la dépravation, et que les ouvriers n’iraient pas au cabaret si on leur offrait des amusemens honnêtes dans leurs momens de repos, ils ont formé un lieu de récréation et ont établi des jeux. Ils ont voulu rendre le travail attrayant, et, après avoir poursuivi l’ignorance, combattre l’ennui.

« Nous eûmes la pensée, dit M. Greg, d’instituer des jeux et des exercices gymnastiques. Nous réservâmes, dans cette intention, un champ situé auprès de la filature, et qui devait d’abord être partagé en jardins, puis, profitant d’un jour de fête et d’une belle après-midi, nous appelâmes les garçons et nous nous mîmes à l’œuvre. On commença par le palet, la balle, le jeu de cricket et le cheval fondu. Mais le nombre des joueurs s’augmentant, et le champ de récréation se remplissant chaque jour davantage, d’autres jeux furent introduits ; on fit des règlemens pour maintenir l’ordre, on assigna une place particulière à chaque jeu, et l’on choisit un certain nombre de personnes pour y présider. Les filles prenaient un coin du champ et les garçons un autre, menant leurs jeux séparément. L’été suivant, nous établîmes une escarpolette ; on se mit à jouer aux graces, aux boules, à la corde raide et à la balançoire. Le palet est le jeu favori des hommes, le cerceau et la corde raide ceux des garçons, le cerceau et l’escarpolette ceux des jeunes filles ; l’escarpolette est perpétuellement en réquisition. Au moyen du cerceau, les garçons et les filles peuvent jouer ensemble, et nous encourageons cette camaraderie comme développant les bonnes manières, la douceur des sentimens, et la notion des convenances ainsi que des devoirs respectifs.

« Au commencement de ces jeux, les actes de rudesse et d’inconvenance n’étaient pas rares ; mais comme je me faisais un devoir d’assister aux amusemens, et comme je donnais à entendre que les jeux cesseraient au moment où je me retirerais, je pus observer ceux qui s’écartaient des bonnes manières, et je parvins par degrés à les y ramener. Voici bientôt trois étés que le champ de récréation est ouvert, et pendant la saison actuelle je n’ai pas remarqué un seul acte d’inconvenance ni de grossièreté. Ma présence est devenue inutile ; cependant j’assiste généralement aux jeux, parce que j’en jouis autant que les ouvriers, et que c’est pour moi une excellente occasion