Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amour suprême qui lui fait entrevoir les destinées futures de l’humanité. Il n’y a point certainement ici moins de matérialisme; c’est un matérialisme plus acre, plus ardent, plein d’ambition et de prétentions à l’idéal, et le plus grand malheur est de voir souvent un certain art, des dons faciles prodigués dans ces peintures puériles ou bizarres^ c’est de voir des esprits croire qu’ils vont trouver la nouveauté dans les débris de toutes les vieilles inspirations, lorsqu’en suivant une direction meilleure, par un travail plus sévère, avec un sentiment plus élevé et plus juste de la vérité et de la vie, ils pourraient à leur tour contribuer à charmer, à éclairer et à épurer l’intelligence des hommes lassés de sophismes.

L’intelligence, de quelque nom particulier qu’on la nomme, qu’elle s’appelle le goût en littérature ou l’opinion en politique, joue un rôle singulièrement actif dans notre siècle. L’opinion publique en effet, ce n’est point autre chose que l’intelligence s’appliquant à suivre les intérêts contemporains et intervenant partout, comme on l’a vu déjà dans la question de Neuchâtel. C’est l’opinion allemande, ou, si l’on veut, c’est la passion allemande qui a déterminé la politique suivie dans ces derniers temps par l’Autriche et la Prusse vis-à-vis du Danemark ; c’est aussi l’opinion européenne qui a peut-être fini par retenir un peu cette politique, au moment où elle semblait tout près de s’engager dans une voie scabreuse. Les affaires de Danemark touchent aujourd’hui à un point où une solution doit nécessairement sortir de la situation même qui vient de se produire. Deux faits caractérisent cette situation, ainsi que nous le disions l’autre jour : les cabinets de Vienne et de Berlin , répondant aux dernières notes du Danemark , ont renouvelé récemment leurs représentations diplomatiques , en modifiant un peu toutefois l’objet de ces représentations, et en même temps une crise ministérielle éclatait à Copenhague. On sait où en était resté ce démêlé entre les deux puissances allemandes et le gouvernement danois. Si la Prusse et l’Autriche avaient maintenu l’intégrité de leurs réclamations primitives, en menaçant, au cas d’un refus du Danemark, de faire intervenir la diète de Francfort, rien ne pouvait empêcher la question de prendre un degré nouveau d’importance, de devenir en un mot européenne. Pour qu’il en fût ainsi, la France et l’Angleterre n’avaient nullement à se livrer à des manifestations diplomatiques et à publier leur opinion; elles n’avaient, si elles ont été interrogées, qu’à constater un fait qui découlait de la nature même des choses, puisque l’indépendance et l’intégrité de la monarchie danoise ont été l’objet d’une garantie européenne. Les cabinets de Vienne et de Berlin l’ont bien senti, et la diplomatie allemande a imaginé une combinaison ingénieuse qui consiste à réclamer pour les duchés un droit de consultation, non plus sur l’organisation générale de la monarchie, mais seulement sur leur propre constitution provinciale. Ainsi on évitait de laisser la question prendre un caractère européen. Telle est la proposition que les cabinets de Berlin et de Vienne ont fait parvenir au gouvernement du Danemark, en lui laissant un délai de quelques jours pour apprécier la valeur de cette transaction. C’est dans l’intervalle que la crise ministérielle a éclaté à Copenhague. Quel rapport y avait-il entre ces deux faits ? Il y a eu coïncidence, simultanéité, plutôt que corrélation directe et intime. La vraie cause de la crise ministérielle a été la position particulière que M. de Scheele, ministre des