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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/225

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relations extérieures et des affaires du Holstein, s’était faite dans le cabinet danois. M. de Scheele est un homme capable, mais qui s’est créé des inimitiés nombreuses et dans le Holstein et dans le reste du Danemark par une politique acerbe, par une ambition de prépondérance personnelle. Sa force venait des appuis qu’il avait su se ménager dans l’entourage le plus intime du roi. Des divisions existaient depuis longtemps déjà entre M. de Scheele et ses collègues ; elles produisaient même, il y a quelques mois, une première crise qui se terminait par une espèce de compromis. La paix cependant était peu sincère ; malgré tout, les dissidences ont persisté : elles se sont réveillées plus particulièrement, dit-on, à l’occasion d’une circulaire récente sur le scandinavisme, que M. de Scheele avait cru devoir expédier sans consulter ses collègues, et qui n’a point laissé d’irriter le gouvernement suédois. Le fait a d’autant plus surpris, que l’an dernier encore le ministre des affaires étrangères de Copenhague ne négligeait rien pour se maintenir dans les bonnes grâces de la famille royale de Suède. Dans cette circonstance même, on a vu un témoignage de plus de cette politique entièrement personnelle que prétendait suivre M. de Scheele, tantôt cherchant à plaire à la Suède, tantôt se rapprochant de M. de Manteuffel au sujet des affaires du Holstein, tantôt enfin s’efforçant de gagner la faveur de la Russie, comme le laisserait croire sa dernière circulaire sur le scandinavisme. Cela a suffi pour déterminer une crise qui par elle-même n’avait rien d’imprévu.

Dès que le ministère a eu donné sa démission, M. de Scheele s’est mis à l’œuvre pour former un nouveau cabinet ; il s’est adressé à des hommes anciens, à des hommes nouveaux ; il n’a éprouvé que des refus. Le roi, mécontent de ne pouvoir garder son ministre de prédilection, n’a pas voulu non plus tout d’abord maintenir les autres membres du cabinet ; il a fait appel à M. Bluhme, à M. de Tillisch, qui ont successivement décliné la mission qui leur était offerte. Enfin, au bout de huit jours, la démission de M. de Scheele a été acceptée, et des deux ministères qu’il exerçait, l’un, celui des affaires étrangères, a été confié provisoirement au ministre de la marine, tandis que le ministre de la guerre était chargé des affaires du Holstein. Tout n’était pas fini encore cependant. Le président du conseil ministre des finances, M. Andræ, a reçu la mission de compléter le cabinet, et sur son refus c’est au ministre des culte, M. Hall, que ce soin est échu. D’un autre côté, M. de Bulovv, qui a rempli une mission diplomatique extraordinaire à Vienne et à Berlin, a été appelé à Copenhague. C’est, comme on voit, un travail qui n’est l)as sans difficultés. Au reste, malgré les interpellations qui leur ont été adressées dans le Rigsraad, les ministres se sont retranchés dans un silence absolu sur la cause de cette crise. Dans tous les cas, il résultait de cet incident une première conséquence : c’est que le Danemark, faute d’un gouvernement, ne pouvait répondre, dans le délai voulu, aux propositions de l’Autriche et de la Prusse. Les deux puissances allemandes ne sauraient évidemment se refuser à attendre la reconstitution d’un cabinet à Copenhague. Maintenant, quand le ministère sera reconstitué, quelle sera sa politique ? quel accueil fera-t-il aux communications de l’Autriche et de la Prusse ? Tous les intérêts légitimes, toutes les opinions sensées appellent justement cette transaction, que redoute le parti aristocratique, et qui peut ôter à cette fiuestion ce qu’elle a de plus actuellement périlleux.