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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/190

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affaire de temps et d’occasion. Il avait compté sans Rome, ralliée par Vienne au système du statu quo. Rome l’arrêta court. Par quels moyens ? Le mot de l’énigme est dans la question ecclésiastique, qu’il faut aborder avec conscience et gravité, en suivant pas à pas Balbo, ce catholique sans reproche.

César Balbo, après un séjour de cinq ans en France, revint à Turin en 1826 ; il fit paraître en 1829 un petit volume intitulé Quattro novelle contate da un maestro di scuola ; en 1830, il publia une histoire d’Italie, moins bonne que ses ouvrages postérieurs sur le même sujet, et un essai de traduction des Annales, puis des Histoires de Tacite. Vers la même époque, il étudia la philosophie de M. Cousin, et se prit de passion pour elle[1]. À L’avènement de Charles-Albert, il était prêt à agir et à quitter ses occupations littéraires, consolation de son exil et de sa disgrâce. Le 25 mai 1830, le comte Prosper Balbo remit au roi une note où son fils exposait quelques idées sur le conseil d’état de Napoléon : deux mois plus tard, un conseil d’état fut institué par édit royal. Le comte Prosper en fit partie comme président d’une section. César aspirait aux fonctions de secrétaire, lesquelles, disait-il, le dispensant d’émettre ses opinions, ne présentaient aucun danger ; mais on connaissait son caractère vif et entreprenant : il fut écarté. La vie publique lui étant interdite, il retourna à ses méditations et à son travail solitaire. L’heureuse injustice dont il fut victime donna à l’Italie les Speranze. Il faut recourir à son propre témoignage dans l’examen de cette période peu connue, et prendre pour guide un livre écrit par lui à une époque plus favorable aux sincérités de sa plume.

En 1853, le calme régnant de toutes parts dans les travaux prospères du pays, ora che il vento, corne fa, si tace, disait-il avec Dante, Balbo exposait, dans son Discorso sulle Rivoluzioni, sa théorie du développement politique des nations. Selon lui, il y a et il y aura toujours des révolutions sous toutes les formes de gouvernement. Il est insensé de se plaindre de la violence des bouleversemens actuels, car plus on remonte dans l’histoire, plus on trouve que les commotions sont fréquentes et meurtrières. La civilisation, à cet égard, exerce deux influences : dans les masses, elle active les sentimens bons ou mauvais, et, créant sans cesse de nouveaux besoins, fait surgir perpétuellement de nouvelles causes de révolutions, tandis qu’entre les mains des classes supérieures, elle accroît les

  1. Cette passion fut si vive chez l’inconstant écrivain, qu’il entreprit alors quatorze ouvrages philosophiques sans les terminer. L’un d’eux portait cette dédicace : « A Victor Cousin, le plus grand philosophe du siècle, cet écrit est dédié par l’ami d’un de ses amis. « L’ami commun était ce Santorre di Santa-Rosa qui fut exilé du Piémont à cause des événemens de 1821, et dont M. Cousin a éloquemment raconté la vie dans la Revue des Deux Mondes du 1er Mars 1840.