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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/191

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moyens, ressources et forces pacifiques de gouvernement. Ces deux puissances, augmentées ainsi par elle- en progression indéfinie, la civilisation chrétienne les modifie pour les faire cheminer d’accord, et imprime peu à peu à leurs manifestations le caractère de continuité, d’enchaînement, de transition insensible, qui est le propre des opérations de la nature. L’âme essentiellement révolutionnaire de l’humanité, ramenée ainsi des convulsions brusques de son essence libre à l’harmonie nécessaire des lois universelles, renonce d’abord aux insurrections tumultueuses, pour agir par conjurations et associations secrètes, et passe ainsi du combat grossier à la lutte combinée, de l’instinct de destruction à la tactique ; puis ce dernier moyen devenant lui-même indigne de la majestueuse unité d’opération à laquelle tend tout organisme, les sociétés arrivent, par une sorte de coalition entre toutes les forces vives qu’elles contiennent, à un incessant travail de réformes, à une culture persévérante de ce qui croît et sert, à une élimination infatigable de ce qui nuit et doit mourir.

Sans porter la discussion sur l’application historique de cette idée philosophique, nous pouvons, nous plaçant au point de vue de César Balbo, nous regarder comme engagés dans la deuxième période de cette série, et si l’on convient que nulle chose ayant vécu ne disparaît totalement, et que la guerre et l’insurrection ne feront que devenir de plus en plus rares, nous admettrons sans difficulté que les nombreuses sociétés secrètes qui se sont répandues en Europe depuis un siècle sont des symptômes isolés de l’état d’association universelle où tendent actuellement tous les désirs. Ce qui est propre d’ailleurs à éclaircir la question spéciale dont nous nous occupons, c’est que cette triple vue, rapportée par Balbo aux grandes époques de l’histoire universelle, répond parfaitement aux trois dates caractéristiques de l’histoire piémontaise depuis la restauration : 1821, l’insurrection ; 1831, les sociétés secrètes ; 1848 enfin, qui ouvre cette ère indéfinie de réformes et de progrès tranquilles que l’année 1688 a inaugurée en Angleterre.

L’écrivain des Rivoluzioni, parvenu à l’âge où les théories sont faites de souvenirs, reste, à son insu, national avant toute chose, même en ce sujet si général. Il n’est pas préoccupé des soulèvemens et des batailles des rues ; cette forme de l’éternelle révolution, la plus funeste à son sens, n’est pourtant pas celle qui frappe le plus son esprit. C’est que la dynastie et le peuple se sont entendus en Piémont, et que les dissensions ayant disparu, il n’éprouve nul besoin de protester contre des discordes qui sont d’un autre âge. Il déclare brièvement que l’émeute est une grave faute et passe outre. C’est vers 1831, vers l’époque des conjurations, que ses inquiétudes se portent surtout. Ce deuxième moyen d’attaque contre l’ordre