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réconciliation et d’un médiateur, appelée enfin par le sentiment de sa perte et par les promesses de la révélation à se reposer de son salut sur un divin sauveur, et transformée ainsi en une autre elle-même comme par l’effet d’une naissance nouvelle. C’est ce sentiment tout intérieur qui motive et soutient la foi, qui en est la raison d’être, et qui, lorsqu’il s’est emparé de l’âme, devient plus puissant que toutes les suggestions de l’expérience et du raisonnement ; mais il en résulte aussi que la religion peut prendre, en termes d’école, un caractère purement subjectif, caractère qu’elle affecte plus rarement en pays catholique, et que les écrivains de notre église cherchent rarement à lui imprimer. Dans les âmes ainsi disposées, la foi peut ne rien perdre de son intensité, de sa puissance, lors même qu’elle perd, si j’ose ainsi parler, en volume et en uniformité. Elle peut maintenir une sympathie profonde et une communion spirituelle entre des hommes qui diffèrent sur le nombre et la nature des dogmes qu’ils professent. Il n’est même pas impossible que chez quelques-uns la croyance, considérée comme système de faits et d’idées, soit indécise et vague, et qu’auprès d’elle l’esprit chrétien subsiste avec d’autant plus de force et d’ardeur qu’il reste concentré sur un seul point. Les controverses demeurent dans le cercle de la théologie et n’affaiblissent pas le lien religieux. En un mot, la religion subjective ne dépend point intégralement de la religion objective. Le christianisme est à la fois un système scientifique et une vie nouvelle ; mais l’un n’est pas tellement lié à l’autre que l’un ne puisse se modifier sans que l’autre se modifie également. En France, c’est l’homme intellectuel qui domine le plus souvent dans le chrétien ; à cela du moins tend notre littérature sacrée. La discussion des bases extérieures de la religion a donc chez nous de tout autres effets, et il y suffit de troubler la raison pour troubler la foi. Il en est autrement là où la vie spirituelle est plus développée, et domine quelquefois la vie de l’intelligence, qu’elle semble avoir précédée, comparable à ces sentimens naturels qui devancent en nous l’éducation, et que l’éducation essaierait en vain d’affaiblir. Ce n’est pas que la religion, ainsi considérée, échappe à la destinée de toute doctrine dans laquelle la subjectivité tend à régner trop exclusivement. On sait qu’en philosophie, si l’on se borne à représenter toutes nos connaissances uniquement comme des actes ou des états intérieurs de l’esprit, on perd de vue l’importance de leur objet, et la réalité des choses disparaît. De même la religion, ramenée en quelque sorte à la disposition religieuse, peut perdre de sa vérité absolue et passer pour une pure illusion du sujet pensant. Sans doute elle résisterait mieux à cette épreuve que ne le fait la connaissance humaine en général. Exposer nos perceptions et nos jugemens