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nécessaires à ne figurer que comme phénomènes de quelque chose d’inconnu qui juge et qui perçoit, c’est faire la partie trop belle au scepticisme. Mais dans la religion, dont l’objet n’est pas de ce monde, les sentimens et les idées sont provisoirement nos seules données pour établir l’existence du monde invisible, et l’homme, fût-il réduit aux lois morales qui le conduisent à la croyance en Dieu, ne serait pas dépouillé de toute confiance légitime dans l’objet mystérieux de ses plus hautes pensées. Une célèbre philosophie, sceptique sur tout le reste, n’a, comme on sait, retrouvé la certitude que là. Cependant, si l’on se place au point de vue de la révélation (et ce n’est que par un effort d’esprit qu’on peut s’en abstenir), il est évident que les dispositions et les croyances de l’homme intérieur, quoique très importantes, plus importantes que tout le reste, ne peuvent être exclusivement prises en considération, et quoique M. Newman y ait trouvé l’avantage de ne point tomber dans le néant religieux où tombait immanquablement un sceptique français du XVIIIe siècle, on n’arriverait pas, je le crois du moins, à composer, avec les principes qu’il a sauvés du naufrage de la foi, un tout consistant et communicable, un système de croyances susceptible d’être enseigné et de se maintenir dans la tradition sociale.

Le positif de sa religion se trouve dans un ouvrage qu’il a intitulé l’Ame, ses peines et ses aspirations. C’est un essai psychologique dans lequel, avec un vrai talent d’observation, il démêle en nous le germe du sentiment religieux, puis des idées religieuses. Depuis la crainte instinctive de l’inconnu jusqu’aux vérités générales d’une théodicée pure, il montre assez bien, dans certaines affections et certaines pensées universelles, la source de tout ce qui compose et la piété et la théologie naturelle. Cette partie purement philosophique du livre n’est même pas incompatible avec toute théologie révélée, et on peut la lire avec plaisir et avec profit, comme un bon travail sur la nature intérieure de l’homme. La précision et la dialectique ne sont pas les dons particuliers de l’auteur ; il a pourtant de la finesse, il a des vues, et s’il ne s’agissait que d’un mémoire de psychologie, on pourrait approuver l’ouvrage en toute sûreté de conscience. Malheureusement, après avoir montré quels sont les abus possibles même des principes naturels de toute religion, il croit retrouver ces abus sous toutes leurs formes, d’abord dans les superstitions populaires, puis dans les préjugés ecclésiastiques, et il attaque avec une vivacité vindicative toutes les prétentions de l’orthodoxie. La sévérité de sa polémique ne l’empêche pas cependant de rendre encore hommage à nos livres saints. Il convient que, sagement interprétés, ils sont propres à développer dans l’humanité la vie spirituelle. C’est par le christianisme que la vérité religieuse