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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/18

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rendu complice de la conjuration du duc de Bourbon[1]. De son côté, le duc de Sessa s’adressa à eux dans l’intérêt de l’empereur son maître, en leur demandant de payer le contingent pécuniaire que le pape Adrien s’était engagé à fournir en contractant l’alliance du 3 août. Ils lui répondirent que le pape Adrien ne les avait pas consultés, et qu’ils n’étaient pas obligés de tenir des engagemens auxquels ils étaient demeurés étrangers. Le duc de Sessa travailla ouvertement et avec ardeur à faire élire le cardinal Jules de Médicis, qui continuerait la politique des deux précédens pontifes. Ce cardinal disposait encore de dix-sept ou de dix-huit voix[2], décidées, à n’élire que lui. Il espérait de plus quelques adhésions qui se déclareraient au moment où elles seraient utiles. Entré cette fois dans le conclave avec la résolution de n’en sortir que pape, il était le principal et devait être le plus opiniâtre des candidats. Il était repoussé par le parti des vieux cardinaux comme trop jeune[3], et par le parti français comme trop espagnol. Pas assez fort pour nommer un pape, ce dernier parti pouvait empêcher l’élection du candidat que Charles-Quint poussait le plus au trône pontifical, et qu’il convenait le moins à François Ier d’y laisser monter. Il agissait de concert avec le cardinal Pompeio Colonna, l’un des membres les plus influens du sacré collège, et qui, bien que du parti impérial, était opposé à Jules de Médicis[4] par une animosité envieuse et si profonde qu’elle semblait insurmontable.

Durant deux mois, les divisions se prolongèrent dans le conclave, où l’on ne parvint pas à s’accorder pour faire un pape. Les jours se passèrent en luttes animées et en scrutins inutiles. Pendant que l’église restait sans chef et que les cardinaux désunis ne se décidaient pas à lui en donner un, le duc de Ferrare, secrètement soutenu par le roi de France[5], s’était emparé de Reggio et de Brescello,

  1. Conclave démentis VII, Mss. lat. de la Bibl. imp., no 5157, in-4o, fol. 104 Ve.
  2. … L’évêque de Bath et les autres ambassadeurs anglais disent que les trente-neuf voix étaient fort divisées et que « the cardinal de Médices with 17 or 18 m°, for hymself or suche as he shold thynke best… » — Dépêche du 2 décembre à Wolscy. — State Papers, t. VI, p. 196.
  3. Les vieux cardinaux, comme dans le précédent conclave, étaient au nombre de plus de vingt, formant un parti qui repoussait la candidature de tout cardinal d’un âge peu avancé. — Voyez la Revue du Ier avril 1858.
  4. Relation italienne du conclave dans les Mss. Colbert.
  5. Le 27 septembre, Bonnivet écrivait au duc de Ferrare : « Monseigneur, j’envoye présentement à Cremonne jusques au nombre de dix mille hommes de pied, six cents hommes d’armes et une bonne bande d’artillerie, afin de mectre a l’obéissance du roy la ditte ville, et sont chefs de cette emprise messires Bayart et le seigneur Federic de Bauge (da Bozzolo), lesquels sont dejia près du d. Cremonne… J’escriptz promptement au seigneur Renze (Renzo da Ceri) se joindre incontinent avec la force qu’il a avec mes dicts seigneurs de Bayart et Federic, pour, après l’affaire du dict Cremonne vuidéo, marcher tous ensemble droit vers la Rommaigne et vous aider à recouvrer et remectre soubz vostre obéissance Rege et Modene, ainsi que j’ai expresse charge et commission du roy de ce faire. » (Mss. ancien fonds français de la Bibl. imp., no 8569, f. 89.) — Il l’avait même poussé par une lettre postérieure à attaquer Parme et Plaisance appartenant au saint-siège : « J’ay pareillement veu ce que avez escript au duc de Ferrare touchant Parme et Plaisance ; je doubte que, après avoir recouvré Rege et Modene, il ne veuille tirer oultre, qu’il ne voit que ayez pris Milan. » Lettre de François Ier du 22 octobre, dans Mss. Baluze.