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frontons du Parthénon, par malheur en bien petit nombre, sont traitées avec cette largeur. Elles ont un peu moins de fougue, mais aussi elles appartiennent toutes à de paisibles personnages sans colère et sans passion. Si nous retrouvions la tête du Neptune disputant la victoire à Minerve, elle ressemblerait peut-être complètement à celle-ci. L’art grec à son âge d’or, est si peu routinier ! Les procédés les plus contraires sont adoptés par lui selon les lieux, selon les circonstances, selon ce qu’il a dessein de faire. Il essaie de tout, parce qu’il calcule tout, et change de moyens pour arriver plus sûrement au but.

De quelque siècle qu’elle nous vienne, cette tête est d’un grand prix. Elle n’a ni la beauté ni l’importance du bas-relief, mais elle est comme lui de premier ordre. Le hasard qui a fait retrouver ces trésors donnera-t-il l’idée de pratiquer des fouilles dans ce sol d’Eleusis ? On peut dire presque avec certitude qu’il doit y avoir un pendant à ce grand bas-relief ; ses dimensions, sa forme, en donnent l’assurance. Vis-à-vis de l’initiation, on devait voir l’apothéose, c’est-à-dire Triptolême, toujours avec Cérés, mais traversant les airs sur son char attelé de dragons. Cette légende est la première qui vient à la pensée dès qu’il s’agit de Triptolême, et c’est dans cette attitude qu’il apparaît le plus souvent sur les monumens figurés. N’est-il donc pas probable que quelque sujet de ce genre est enfoui sous ce temple ? Comprend-on de quel intérêt serait un second bas-relief du même style que celui-ci ? Et quant au temple de Neptune, n’y a-t-il rien à lui demander non plus ? Ne contenait-il autre chose que la tête du dieu ? J’en dis autant de ces trois autres temples, car il y en avait cinq au moins à Eleusis : ne serait-il pas temps de les interroger ? Un seul a jusqu’ici donné lieu à quelques recherches trop tôt abandonnées. Je comprends qu’on hésite à se lancer dans des fouilles, même sur le sol de la Grèce, lorsqu’il faut attaquer des débris inconnus, d’origine incertaine, sans renseignements précis, sur la foi de quelque texte obscur ou de notions locales presque toujours trompeuses. Que le zèle et l’argent fassent alors défaut, rien de moins étonnant ; mais fouiller dans des centres de ruines dont la richesse n’est point douteuse, dont la topographie n’a rien de problématique, fouiller à Eleusis, fouiller à Delphes, fouiller à Olympie, c’est une loterie sans mauvais numéros, c’est jouer à coup sûr. Le gouvernement grec n’a, par malheur, qu’un budget trop modeste pour mettre la main à l’œuvre. Il poursuit avec persévérance un beau travail, le déblaiement de l’Acropole d’Athènes, il y concentre toutes ses ressources et n’ose rien tenter ailleurs. On ne peut l’en blâmer ; mais s’opposerait-il à laisser faire par d’autres sur certains points de son domaine, sur ceux