Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand on connaissait le train du monde depuis tantôt cinquante ans, et justement parce qu’on le connaissait, il était permis d’appréhender pour la France des obstacles, des mécomptes, des complications, qui, grâce à Dieu, ne se sont pas réalisés. Peut-être a-t-il fallu pour cela restreindre le programme de la guerre d’une manière inattendue ; mais plus inattendu était encore l’abandon par lequel, après deux mois de lutte, un jeune empereur inaugurait son règne en cédant sa plus belle province. Cet aveu de découragement et d’impuissance n’était pas à espérer, et les apparences de l’Autriche ne décelaient pas tant d’affaiblissement. En tout cas, si ce premier dénoûment compliquait les affaires d’Italie, il dégageait la France des plus sérieuses difficultés qu’elle eût à encourir. Il se peut que celles qui agitent encore la péninsule, que la plus grave, celle de concilier la souveraineté pontificale avec l’indépendance nationale, eussent été notablement amoindries, si la Vénétie avait cessé d’être autrichienne ; mais il est certain qu’en rapprochant le but qu’elle voulait atteindre, la France a simplifié sa tâche et, sans se délivrer de tout embarras, écarté ou ajourné toute chance de sérieux péril. Elle ne peut guère désormais être engagée dans les affaires d’Italie qu’autant qu’elle le voudra. C’est du moins un dédommagement pour ceux qui auraient voulu qu’elle ne s’y engageât pas du tout.

Mais la guerre la plus heureuse a ses conséquences, et la dernière qui a illustré nos armes ne nous a pas laissés dans une situation simple et unie. Il faut bien remarquer que la guerre d’Italie diffère profondément de la guerre de Crimée. Tandis que celle-ci tendait à maintenir l’ordre établi, celle-là avait pour objet de le changer. Si l’une pouvait être dite conservatrice, l’autre devait être autrement qualifiée. Elle répondait à d’autres opinions, satisfaisait d’autres vœux, excitait d’autres espérances. Nous ne sommes pas de ceux, on le sait, qui prenons en mauvaise part ce nom : la révolution ; pour nous, ce n’est donc pas diffamer la guerre d’Italie que de dire qu’elle était conçue dans l’esprit de la révolution. Nous avons lu souvent l’assertion contraire ; mais c’était avant la guerre une puérilité ou un mensonge. Après la guerre, c’est plaider l’évidence même que de dire qu’elle menait à des résultats peu agréables à l’esprit purement conservateur.

Comme ce point est délicat, nous y insisterons. Les choses difficiles à dire doivent être expliquées loyalement, pour écarter tout soupçon en évitant toute équivoque.

Nous venons de traverser une année riche en événemens qui ont porté le trouble jusque dans les opinions indépendantes. Les plus libres esprits ont eu de la peine à distinguer, à s’avouer les caractères et les conséquences de la guerre inopinée dont l’Italie a été le théâtre. Ceux même qui avaient en d’autres temps hypothétiquement