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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/15

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souhaité, éventuellement admis une guerre analogue, ont comme hésité à la reconnaître dès qu’elle s’est présentée à leurs yeux. Quoiqu’elle pût dès longtemps se prévoir dans un avenir indéterminé, elle a apparu comme une surprise dans les circonstances où l’Europe était placée, comme une anomalie au milieu des opinions jusque-là seules protégées, comme un effet contradictoire avec sa cause. Et cependant elle était bien, quoi qu’on fît pour en douter, la solution, cherchée par les armes, d’une question d’indépendance nationale et de liberté politique. Ceux qui n’auraient pas conseillé une entreprise ne sont pas dispensés d’en apprécier les résultats. Si l’on n’accordait d’attention qu’aux choses qu’on approuve, si l’on n’était juste que pour ce qui plaît, on risquerait d’être fort souvent étranger à son pays et à son temps, et l’on vieillirait dans une indifférence grondeuse qui ne sied qu’aux partis sans avenir. Il a donc fallu, dès le début, considérer en elles-mêmes les suites naturelles de ce premier pas de la France dans la carrière des nouveautés européennes. En ne désirant certes pas qu’elle allât plus avant, on ne pouvait feindre d’ignorer ou de méconnaître la portée de l’événement, et le plus prompt à craindre ou à maudire le soulèvement du patriotisme ou du libéralisme à Florence ou à Bologne devait, au premier coup de canon, s’y attendre comme à une chose certaine, et, peu s’en faut, nécessaire. Tout l’ordre établi dans la péninsule devait être à la fois ébranlé. Le drapeau d’Arcole, en s’y montrant, ne pouvait avoir qu’une signification : c’est un talisman dont la puissance serait indépendante de la volonté même de ceux qui l’emploient.

L’avenir est obscur ; le nouveau paraît toujours aventureux. On peut concevoir de l’incertitude sur la réussite finale de ce qui s’est tenté, sur la durée de ce qui s’établit. Nous qui souhations bonne et longue fortune aux patriotes qui, pendant près d’une année, ont étonné l’Europe par leur modération et leur persévérance dans la soi-disant patrie de l’exagération et de la mobilité, nous ne sommes pas plus leur caution que leur, juge, et nous voudrions les suivre dans toutes leurs espérances ; mais, nous en convenons, ils ont eu raison de penser que le vieil étendard de la révolution française, en passant les Alpes, donnait le signal à toutes leurs aspirations d’indépendance et de liberté. Leur cause tant vantée fût tombée au rang des chimères et des bravades, s’ils n’avaient vivement saisi cette occasion soudaine, bizarre au premier aspect, d’essayer le grand renouvellement national dont ils avaient quarante ans entretenu le monde. Qu’on s’étonne tant qu’on le voudra, que des conservateurs de décembre, un peu déconcertés, s’efforcent de pallier ou de contester l’évidence : l’extension de la triple liberté des élections, de la tribune et de la presse, était, avec le réveil des passions patriotiques,