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Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 28.djvu/386

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vignes aucun des travaux de terrassement qui dérangeraient alors les progrès continus de la végétation des racines, car les vignes ne donnent leurs meilleurs produits que sur les ceps âgés de sept ou huit ans pourvu que l’on évite les provignages multipliés et que l’on entretienne la végétation sans exciter un développement trop fort par l’excès des fumures.

Sur ce dernier point, plusieurs questions d’un haut intérêt, longtemps controversées, peuvent être aujourd’hui résolues dans le sens des traditions anciennes, mais sous la condition d’éliminer, conformément aux nouvelles données scientifiques, ce que de pareilles croyances offraient de trop absolu. Les vignes, disait-on, ne doivent jamais être fumées, ou du moins elles ne doivent recevoir d’autre engrais que les marcs de raisin, les feuilles et débris des pampres ébourgeonnés, les terres végétales superficielles entraînées tous les ans vers le bas des coteaux par les eaux pluviales, et que chaque année on doit remonter sur les parties dénudées du coteau. Ces pratiques sont en effet excellentes, et ne doivent pas cesser d’être observées soigneusement ; mais comment ne pas craindre qu’à la longue elles ne conduisent à l’épuisement du sol, puisque les élémens assimilables, notamment les sels alcalins, les phosphates, les combinaisons azotées, sont extraits de la terre par les racines, s’accumulent en partie dans le suc des fruits, et sont en définitive exportés sous la forme de vins ? Voici ce que peut répondre une théorie reposant sur des faits bien constatés. Sur les coteaux fertiles où prospèrent les fins cépages, en Champagne, où un hectare porte 10,000 pieds de vigne, en Bourgogne, où l’hectare compte jusqu’à 20,000 pieds, par conséquent où chaque cep, convenablement espacé, prend une portion de sol égale parfois à un mètre carré de surface sur un mètre de profondeur[1], la végétation puise dans la terre où pénètrent les

  1. Les plants doivent toujours être disposés en lignes, de façon à recevoir plus directement l’air et surtout la lumière indispensables à l’accomplissement des phénomènes de la vie dans toutes les parties vertes des plantes. Dans un grand nombre de terrains peu fertiles, où la culture des fourrages et des céréales serait impossible, les plants délicats de la vigne peuvent encore donner des résultats avantageux ; mais alors l’espace entre les ceps doit être agrandi, afin que les racines puissent librement s’étendre et trouver dans un plus grand volume de terre une nourriture suffisante. Nous citerons à ce propos un exemple des plus remarquables, donné dans des conditions très difficiles par un habile viticulteur, M. Cazalis-Allut, de l’Hérault, qui vient d’obtenir la prime d’honneur au dernier concours régional. Sur son exploitation viticole de 160 hectares, le sol calcaire et ferrugineux contient peu de terre végétale ; les pierres dures sont tellement nombreuses qu’on ne peut faire de défoncement. Il a fallu se borner a remuer la couche pierreuse avec la charrue pour atteindre le peu de terre qu’elle recouvre. Des trous de 25 centimètres ont reçu les crossettes enracinées mises en rangées parallèles distantes de 3 mètres, les pieds de vigne étant eux-mêmes plantés à 1m, 10 d’intervalle les uns des autres. Les façons tous les ans se sont bornées, en guise de labours et de binages usuels, Il déplacer les pierres tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. La culture ainsi dirigée donna en moyenne au bout de six ans 50 hectolitres de vin par hectare, valant 500 fr. et laissant un bénéfice net de 300 fr. Les vins du domaine d’Aresquiès n’étaient applicables autrefois qu’à la fabrication de l’alcool : ils ont été amélioré de telle façon par le choix des cépages et les soins de vinification qu’ils entrent aujourd’hui directement dans la consommation. Lorsque des plants de bonnes variétés sont trop vieux, on les renouvelle par le recepage ; s’ils sont de qualité inférieure, M. Cazalis les rajeunit par la greffe : il y a réussi même sur des souches âgées de plus d’un siècle.