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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/829

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Nous ne mentionnerons pas comme formant une cinquième race le million de Juifs répandus en Galicie, en Bohême et en Hongrie. La situation des Israélites dans l’empire, les préjugés dont ils sont victimes, les sentimens que la basse classe de Prague, la diète du Tyrol et les deux chambres de la diète de Hongrie viennent tout récemment encore de manifester à leur égard, fournissent néanmoins un argument de plus en faveur de la prééminence de la monarchie autrichienne et de la race allemande, qui n’ont pas craint de briser avec de regrettables traditions. Cependant, si du court tableau qui précède ressort en quelque sorte la supériorité géographique de l’Autriche proprement dite, la faiblesse numérique des Allemands, jointe aux vices d’un gouvernement absolu, suffit à expliquer pourquoi les autres races se sont maintenues dans une existence séparée, et aspirent aujourd’hui à jouir de plus de droits que la nouvelle constitution ne semble leur en conférer.

La patente du 20 octobre 1860, œuvre du comte Goluchowski, paraissait mieux que la patente du 26 février 1861 se conformer aux diverses prétentions locales, par cela même qu’elle constituait au centre de l’empire un pouvoir législatif mal défini, composé d’une seule assemblée de 100 membres nommés par l’empereur sur la présentation des diètes, tandis qu’elle avait octroyé à chaque province un statut différent. La patente du 26 février, œuvre de M. de Schmerling, en appliquant à tous les états autres que la Hongrie un statut identique et en constituant un véritable parlement central, composé de deux chambres et pourvu de tous les pouvoirs législatifs, a semblé plus favorable aux idées unitaires que celle de son prédécesseur, et a par cela même soulevé plus de critiques. La constitution du 20 octobre a succombé sous le mécontentement du libéralisme allemand ; ce sont les passions nationales que rencontre maintenant en face de lui le système de M. de Schmerling. Est-il destiné à vaincre ou à périr ? La monarchie constitutionnelle se fondera-t-elle ou n’aura-t-elle eu qu’une existence d’un jour dans cet empire, jouet d’orages incessans ? L’Autriche elle-même continuera-t-elle de former un faisceau de races diverses, ou bien sa dislocation ouvrira-t-elle en Europe une succession plus dangereuse que la dissolution de l’empire ottoman ? Questions graves assurément, que nous avons déjà pressenties ou abordées ici même[1], que nous avons récemment entendu traiter en Autriche avec la calme assurance d’un succès prochain et que l’on se propose, non de résoudre, mais d’examiner en suivant dans leur jeu régulier les institutions nouvelles de l’Autriche, en cherchant d’abord dans les dictes provinciales l’expression

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1857 et du 1er mars 1860.