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hommes studieux qui ne peuvent parcourir les ruines en portant sous le bras les in-folio de Mazois et de Niccolini. Ces arbres servaient autrefois à chauffer les guides. Le terrain étant donc acheté et la végétation écartée, les travaux commencent. On enlève la terre au sommet de la colline et on la transporte sur un chemin de fer, qui du milieu de Pompei, par une pente qui épargne les frais de machine et de charbon, descend déjà bien loin au-delà de l’amphithéâtre et de la ville. Ainsi se résout la question la plus grave, celle des déblais. On en recouvrait autrefois les ruines, on en forma plus tard une montagne, on en construit maintenant le chemin de fer, qui les emporte, et qui peut-être un jour les jettera dans la mer.

Rien de plus vivant que le travail des fouilles. Les hommes bêchent la terre, et des nuées de jeunes filles accourent sans interruption, leur panier à la main. Ce sont d’alertes campagnardes racolées dans les villages voisins, la plupart ouvrières des fabriques aujourd’hui fermées ou assoupies par l’envahissement des tissus anglais et par la hausse des cotons. Nul ne se fût douté que le libre échange et la guerre d’Amérique eussent fourni des ouvrières à Pompéi. Tout se tient maintenant dans le vaste monde. Elles accourent donc, remplissent leurs paniers de terre, de cendre et de lapillo, les chargent sur leur tête, avec l’aide des hommes, d’un seul mouvement vif et prompt, et s’en vont ainsi, par groupes incessamment renouvelés, vers le chemin de fer, en se croisant avec leurs compagnes qui en reviennent. Très pittoresques dans leurs haillons troués, aux vives couleurs, elles marchent à grands pas dans de longues jupes qui dessinent les mouvemens de leurs jambes nues et qui tremblent au vent derrière elles, tandis que leurs bras, avec des gestes de canéphores, soutiennent sur leurs têtes la lourde charge qui ne les fait pas fléchir. Tout cela n’est point en désaccord avec les monumens qui apparaissent peu à peu sous la terre à mesure que le sol s’abaisse. Si les visiteurs étrangers ne troublaient pas de loin en loin cette harmonie, on se demanderait volontiers, au milieu de ce paysage virgilien, parmi les festons des vignes, en face du Vésuve fumant sous le ciel antique, si toutes ces filles laborieuses qui vont et viennent ne sont pas les esclaves de Pansa l’édile ou du duumvir Hoiconius.

Ainsi pratiquées, les fouilles ont amené d’excellens résultats. Les étages supérieurs des maisons, dont l’ancien système avait presque partout détruit les traces, ont annoncé aussitôt leur existence par des pans entiers de murs encore debout. On a découvert même des balcons, ou plutôt des galeries extérieures, avançant sur la rue et régnant au premier étage de plusieurs façades. Ils étaient en maçonnerie et soutenus par une forte charpente qu’on rétablit maintenant pour les restaurer. Ces galeries, qui formaient des couloirs