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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/213

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percés de fenêtres, nous donnent le premier exemple des mœniana si souvent reproduits dans les peintures, et qu’on avait attribués jusqu’à présent à la fantaisie des décorateurs. Tous les voyageurs accoutumés aux tableaux vifs et gais des chambres pompéiennes ont retenu l’image de ces bonshommes curieux qui les regardaient passer du haut d’un panneau, sortant à mi-corps d’une sorte de croisée. On sait maintenant que ces balcons étaient peints d’après nature, et, avertis par ce premier exemple, les gens du métier en ont retrouvé des traces, dans plusieurs petites rues, à l’étage supérieur d’un certain nombre d’habitations. Cette découverte change complètement les théories qu’on s’était forgées sur la claustration des familles romaines. Après avoir doctement cherché la différence entre la maison antique et la maison moderne dans l’important et volumineux ouvrage qu’il écrivit sur Pompéi sans y avoir encore mis les pieds, le professeur Overbeck a fini par la trouver dans ce fait, que la maison antique, étrangère à la rue, était tournée au dedans, connue repliée sur elle-même, et qu’elle groupait ses chambres autour des cours intérieures, l’atrium et le péristyle, d’où elles recevaient uniquement l’air et le jour. Le savant allemand est maintenant réfuté, comme le fut un de ses confrères, qui avait publié, dit-on, un gros tome in-4o, d’une érudition effrayante, pour prouver que l’emploi des vitres était inconnu des anciens. Le gros tome avait à peine paru, qu’on trouva des vitres à Pompéi, dans les thermes.

Il est donc maintenant constaté que la maison chez les Romains n’était point isolée de la voie publique, mais qu’elle la regardait au contraire par les fenêtres du mœnianum. Cette disposition toute méridionale, qui s’accommode si bien aux coutumes et à la vie privée des Italiens, ne pouvait faire défaut chez leurs ancêtres, et je me représentais avec regret l’ancienne Pompéi, la ville peinte comme Gênes, attristée par des maisons qui auraient tourné le dos à la rue, des hôtels farouches entre cour et jardin.

Le nouveau système adopté pour les fouilles offre un second avantage souvent précieux : il permet de retrouver les objets à la place où ils étaient au moment de l’éruption, à peu près du moins, car il faut tenir compte du bouleversement causé par les torrens de cendre et d’eau, les tremblemens de terre et les incendies. Ainsi toutes les constructions en bois, notamment les planchers et les plafonds, ont disparu; il est donc impossible de préciser l’endroit où se trouvaient les objets appartenant aux étages supérieurs; on reconnaît pourtant qu’ils durent en tomber lorsqu’on les retrouve à une certaine hauteur au-dessus du sol, renseignement fort utile pour déterminer la valeur de ces étages et la qualité des gens qui les habitaient. On sait déjà que ce ne furent pas toujours de petits marchands et des esclaves.