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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/311

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tens à principes inflexibles et de vertu rigide, dirigés par un esprit dogmatique, stoïciens de doctrine et de conduite, patriciens frondeurs, philosophes contempteurs du siècle, femmes courageuses prêtes, comme les hommes, à tout braver, forment un foyer d’opposition politique, morale et presque religieuse, et l’on est tenté de comparer de loin à une compagnie de jansénistes ce groupe sévère, espèce de Port-Royal romain résistant aux mœurs, aux exemples, aux entreprises d’une cour. Nous n’avons pas besoin de relever les différences. La tyrannie sous Néron est plus violente et plus insensée, le danger plus terrible, la résistance plus farouche, plus altière dans son mépris républicain pour les puissances et les hommes du jour. Qu’on se représente maintenant Perse élevé dans cette société intrépide, n’en étant jamais sorti, jeune, beau, choyé pour ses talens, aimé pour la douceur de ses mœurs, valétudinaire, entouré de ces nobles femmes de sa famille auxquelles il est tendrement attaché, retenu loin des vices par sa faible santé et sa modestie, et l’on verra quelle pouvait être la satire de cet honnête et sédentaire jeune homme sans expérience. Il répétera avec foi les maximes de ses amis, et pour ainsi dire le catéchisme stoïcien; il aura la rigueur, la tristesse, la raideur d’un solitaire; il se plaira aux demi-allusions que l’on ne peut guère comprendre que dans son cercle, il parlera avec l’exagération vertueuse et l’innocence hardie d’un adepte, d’un néophyte qui contemple et juge la vie du fond d’un cloître stoïcien.


II.

Les satires de Perse, que nous allons maintenant parcourir, lues et applaudies dans cette société unie par la communauté des principes, prennent un intérêt tout nouveau quand on les considère, non pas comme les exercices poétiques d’un auteur laborieux, mais comme les professions de foi d’une généreuse famille. Sans doute, à voir d’abord les caractères extérieurs de cette poésie érudite, émaillée de souvenirs classiques, où l’imitation est trop apparente et souvent tient même à se montrer, on peut être tenté de croire que le poète n’a puisé son inspiration que dans les livres : ses satires en effet sentent l’étude et l’école, trahissent un jeune homme qui demeura toujours entre les mains d’un maître, dont l’esprit était asservi à des dogmes, et qui mourut d’ailleurs avant l’âge où le génie s’affranchit de l’imitation, entre en possession de lui-même et ne se laisse plus obséder par les réminiscences; mais il est difficile de croire que ces vers quelquefois si frémissans ne soient que les exercices d’un écolier studieux, qu’ils ne sont pas sortis de l’âme, — qu’ils ne furent point l’expression vivante des sentimens