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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/312

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personnels du poète et de plus l’écho des graves entretiens de cette élite que nous venons de faire connaître et à laquelle ces fières sentences étaient adressées, car le livre ne fut pas composé pour le public et ne parut au grand jour qu’après la mort du poète. Qu’on nous permette donc de supposer que les sentences satiriques de Perse sont le fruit de son éducation domestique, les maximes de sa famille, le formulaire de sa religion, de sa morale et de sa politique. Ces déclarations de principes austères, cette censure chagrine des ridicules du jour, ce hautain mépris des gens à la mode ou en faveur, ces obscurs sarcasmes contre les princes et leurs satellites, tous ces sujets ordinaires de conversation entre patriciens philosophes sont venus se condenser dans les satires mystérieuses de Perse, et nous présentent, avec les sentimens particuliers du poète, les étonnemens, les révoltes, les chuchotemens et les malices de toute une illustre compagnie.

Si nous tenons à connaître d’abord les idées religieuses qui avaient cours parmi les adeptes du stoïcisme, la deuxième satire, qui roule tout entière sur la religion, va nous montrer comment, à cette époque, les hommes les plus honnêtes et les plus éclairés comprenaient le culte qu’il faut rendre aux dieux et les prières qu’on doit leur adresser. Le poète, passant en revue les principales folies pieuses de ses contemporains, flétrit le ridicule odieux de ces prières par lesquelles on demande au ciel la satisfaction de désirs criminels; il se moque de ces naïfs dévots qui s’imaginent que de vaines cérémonies couvrent ou rachètent la perversité du cœur; il fait voir combien ces vœux sont insensés, honteux, inefficaces, injurieux pour la Divinité ; en un mot, il veut substituer aux pratiques extérieures et hypocrites de la superstition un culte tout intérieur et moral. C’était là un sujet traité par les sages de tous les temps et qui a dû être de bonne heure une des préoccupations les plus légitimes de la philosophie. Le paganisme en effet, tel que le peuple surtout le comprenait, était une religion toute grossière, sans morale et souvent contraire à la morale; les sacrifices n’étaient offerts que par la peur ou par la convoitise, pour acheter en quelque sorte la faveur divine et pour obtenir des biens matériels; de viles prières n’exprimant que des vœux intéressés ou coupables tentaient de faire des dieux les complices complaisans des hommes, Aussi voit-on que les plus grands philosophes ont fait effort pour épurer la religion et pour la rendre plus digne de la Divinité et de la conscience humaine. Pythagore, Socrate, Platon, Zénon, Épicure, tous les chefs d’école, entreprennent tour à tour de corriger ce culte extérieur ou de le supprimer. Chez les Romains, Cicéron et Sénèque répandent et popularisent ces hautes idées de la philosophie grecque. Les