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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/731

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et de former d’excellens élèves. Ces deux établissemens, déjà pourvus de précieuses ressources, pourraient être développés, et on pourrait en faire deux écoles normales pour le royaume, l’une destinée à l’enseignement supérieur des sciences physiques, l’autre à celui de la médecine. Malheureusement la section de l’institut supérieur qui a été fondée à Florence en 1859, et qui embrasse la philosophie, l’histoire, les sciences morales et politiques, n’a pu jusqu’ici acquérir les mêmes titres de gloire. De pareilles institutions peuvent à peine exister dans un grand centre comme Paris, et encore osons-nous émettre l’avis que le Collège de France et le Jardin des Plantes ne perdraient rien à se transformer en écoles normales d’un ordre élevé. Quoi qu’il en soit, Florence avec son musée et son école de médecine transformés, comme nous avons dit, ses bibliothèques, ses galeries, ses archives, Pise avec son université et une école normale, où l’état devrait entretenir soixante élèves, au lieu de vingt, Livourne avec une école pour les élèves de marine, donnent bien à la Toscane la place privilégiée qu’elle mérite dans l’organisation du haut enseignement de l’Italie.

Quant aux antiennes provinces du royaume, si elles ont été les dernières à figurer dans l’histoire intellectuelle de l’Italie, elles y ont pris depuis la moitié du siècle passé un rôle éclatant et décisif. A en juger par les hommes de lettres et les savans, sans compter les hommes d’état et les militaires, que le Piémont a produits depuis cette époque, il semble que le royaume subalpin ait été appelé par la Providence à marcher sur tous les points à la tête du mouvement national. Les princes de la maison de Savoie, toujours attentifs à l’œuvre de la régénération italienne, avaient compris de bonne heure combien il importait de former, par une benne discipline des études, le peuple qu’ils devaient employer à de si hauts desseins. Les constitutions de l’université de Turin, qui furent édictées par Charles-Emmanuel III (1772), sont encore aujourd’hui un monument de haute sagesse, et l’on ne peut lire sans admiration les termes nobles et sévères qui fixent les attributions du magistrat de la réforme, à qui ces constitutions donnaient la haute direction de l’enseignement[1].

  1. Cette forte organisation de l’université de Turin parait avoir produit un grand effet sur l’empereur Napoléon Ier et n’avoir pas été sans influence sur le système qu’il inaugura en France. Nous trouvons cette impression indiquée par M. Rendu dans le passage suivant de son code universitaire : « Bonaparte passait à Turin. Un jour qu’il parcourait le palais de l’université fondée en 1720 par Victor-Amédée II, il se fit présenter les statuts qui régissaient cette institution. Il y vit quelque chose de grand et de fort qui le frappa. Cette grave autorité qui sous le nom de magistrat de la réforme gouvernait tout le corps enseignant, ce corps lui-même uni par des doctrines communes et librement soumis à des obligations purement civiles qui le consacraient à l’instruction de la jeunesse comme à l’un des principaux services de l’état, cet ordre de professeurs tous choisis parmi des agrégés nommés au concours, cette noble confiance de la puissance souveraine qui donnait au conseil chargé de la direction générale un droit permanent de législation intérieure et de continuel perfectionnement, tout ce plan d’éducation établi sur la base antique et impérissable de la foi chrétienne, tout cela lui plut, et il en garda le souvenir jusqu’au sein de ses triomphes. » Ce remarquable passage, que nous avons voulu reproduire, offre un tableau saisissant de l’antique organisation scolaire du Piémont.