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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/888

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parfaitement défini ; les démocrates avaient pourtant réussi à l’annuler presque entièrement ; ils avaient du moins obtenu des premiers magistrats de la république une sorte de renoncement tacite à l’exercice de leur autorité légitime. Le lustre qui entourait la fonction présidentielle s’était par degrés dissipé. Les premiers présidens se nommaient Washington, Jefferson, John Adams, Madison ; les derniers Polk, Taylor, Pierce, Buchanan. Qui ne se souvient des déplorables défaillances de M. Buchanan, pactisant avec l’audacieux mouvement du sud, recevant ses commissaires et parlementant avec eux, autorisant par son inaction le pillage des arsenaux, la saisie des forts de la confédération ? Qui ne se rappelle que M. Lincoln, se rendant à Washington pour y prendre la présidence, dut traverser Baltimore la nuit en se cachant, et arriva à la Maison-Blanche comme un fugitif ? Y a-t-il aujourd’hui beaucoup de souverains armés d’autant de puissance que celui qui allait alors, au péril de sa vie, réclamer une autorité ainsi disputée ?

La crise actuelle a révélé et fait revivre la force du pouvoir exécutif aux États-Unis. « Le président, écrivait M. de Tocqueville, possède des prérogatives presque royales dont il n’a pas l’occasion de se servir, et les droits dont jusqu’à présent il peut user sont très circonscrits : les lois lui permettent d’être fort, les circonstances le maintiennent faible. » Le parti démocratique était parvenu à enchaîner la liberté présidentielle en substituant au mode d’élection indiqué par la constitution le système des conventions. Ce système, qui a été une arme puissante entre les mains des hommes d’état du sud, date seulement de la nomination à la présidence de M. Van Buren en 1836. Jusque-là les élections s’étaient faites bona fide par le collège électoral. Le droit d’élire le premier magistrat de la république n’avait été confié ni au suffrage universel, ni au corps législatif, mais à un collège spécial. Chaque état doit choisir autant d’électeurs qu’il nomme de représentans au congrès. Pour empêcher que les assemblées d’électeurs ne devinssent un foyer de brigues, on arrêta que ceux-ci voteraient tous un jour donné dans leurs états respectifs, et de chaque état transmettraient au siège du gouvernement central la liste des votes individuels, et non le produit du vote de la majorité. Ce mode d’élection obligeait les partis à diviser, à disséminer leur action. Les meneurs démocrates, en inaugurant le système des conventions, subordonnèrent l’indépendance des électeurs et par là même celle des présidens élus à l’action irresponsable des factions. Les chefs d’un parti forment une convention ; des délégués en nombre quelconque sont désignés par ce parti dans les divers états. Ils se réunissent alors dans quelque ville ; là, sous la pression d’influences avouées ou clandestines, ils nomment le candidat présidentiel de leur parti. C’est à ce candidat