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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/320

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grande armoire vitrée en vieux chêne poli y apparaît avec ses porcelaines de Chine et des vases d’étain à défaut d’argent. Jusqu’au XVIIIe siècle, les baux ne se payaient pas en argent, mais en nature. Le fermier livrait la moitié ou les deux tiers de sa récolte de grains, garfzaad, et la proportion variait d’après l’étendue plus ou moins grande de terre verte, groenland, ou de bruyère dont il avait la jouissance. Il devait ajouter à cette redevance de céréales un certain nombre d’oies grasses, car on en élevait beaucoup dans toute la région sablonneuse, et c’était un usage qui remontait bien haut ; déjà les héroïnes de l’Edda soignaient elles-mêmes leurs oies, et il est probable que l’habitude anglaise de manger une oie grasse à la Noël est aussi une ancienne tradition saxonne. Aujourd’hui presque tous les baux se paient en argent ; la terre se loue de 50 à 90 francs l’hectare et se vend de 1,600 à 2,400 fr. L’entrée en jouissance est généralement fixée à la Saint-Martin, c’est-à-dire au 1er novembre. Il est curieux qu’on retrouve la même date en Flandre au moyen âge et en Lombardie maintenant. Le fermier sortant a droit à la moitié de la récolte de la ferme où il entre et à la moitié de celle qu’il abandonne ; il n’a rien à payer ni à recevoir à titre d’indemnité. Les instrumens aratoires sont bons, et les chariots ont une forme extrêmement pittoresque : mise sur quatre grandes roues très légères, la caisse est peinte en couleurs vives, bleu, rouge, vert, et porte à l’arrière en caractères dorés la date de sa construction et quelque proverbe emprunté à la Bible ou à la tradition. Arrivant en très grand nombre au trot rapide du seul cheval qui suffit pour les traîner sur les excellentes routes de briquettes, klinkers, ces chariots donnent un air de fête à la ville où se tient le marché hebdomadaire.

Avant de quitter la partie de la région sablonneuse s’étendant à l’est de l’Yssel, il faut visiter encore quelques villages fondés jadis par des colonies frisonnes, tels que Kamperveen, Vriezeveen, Rouveen, Yhorst et Staphorst, qui forment un contraste complet avec les villages des marken saxonnes. D’abord, au lieu de choisir les terres hautes et sèches, comme les Saxons, qui n’ont occupé que les terrains du diluvium, les Frisons se sont établis de préférence sur les terres basses et tourbeuses, dont ils savaient tirer parti mieux que toute autre race. Il n’y a plus de trace ici de la culture commune sur l’essch, et chaque exploitation est nettement séparée de celle du voisin par un fossé. Les maisons, au lieu d’être groupées loin des terres cultivées et rangées autour de la grande place publique plantée de chênes (le brink), sont disposées à la suite, chacune sur le domaine qui en dépend. Sur l’essch manquaient les clôtures et les chemins ; ici il n’y en a que trop. Autant dans la