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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/448

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1er juin 1843, « afin de simplifier les moyens de circulation et pour réaliser d’une manière générale l’unité de la valeur métallique. » En place des 595,776,000 roubles-assignats, il ne devait plus circuler que 170,221,714 roubles-argent, sur le pied de 3 roubles 50 kopecks en assignats pour un rouble-argent[1].

Les billets de crédit de l’état reçurent la garantie de tout le domaine public ; mais, pour maintenir un cours régulier, il fallait satisfaire à une autre condition bien plus efficace, en assurant l’échange constant des billets contre les espèces métalliques. Sur un ordre impérial, au mois de décembre 1844, on transporta à la citadelle de Saint-Pétersbourg, sous le contrôle de vingt-quatre membres de la délégation de la bourse, un fonds métallique de 70,464,245 roubles 99 kopecks, partie en argent, partie en or, en lingots ou en espèces. Ce dépôt fut soumis à la vérification du commerce de Saint-Pétersbourg, représenté par une députation. Il fut accru le 14 juillet 1845 d’un supplément de 12,180,000 roubles d’or et d’argent. On pensa de cette façon avoir fourni une garantie suffisante pour l’échange régulier des 170 millions de roubles en billets, le fonds de réserve s’élevant environ à la moitié du papier en circulation.

C’est de cette époque (1844-45) que date la courte période de la splendeur financière de la Russie. Pour mieux assurer le prestige de sa puissance, l’empereur Nicolas fit alors pour 100 millions de placemens en fonds publics étrangers. On se rappelle la sensation produite en 1847 par l’achat pour une somme de 50 millions de nos rentes françaises 5 pour 100 au taux de 115 francs 75 centimes, ce qui permit à la Banque de France de faire face aux nécessités créées par l’approvisionnement des céréales. Les événemens de 1848 et la campagne de Hongrie ne tardèrent point à modifier la situation : de nouvelles émissions de papier rouvrirent la triste voie que le comte Cancrin avait cru fermer sans retour. On fit pour les billets de l’empire ce qu’on avait fait pour les assignats de Catherine et d’Alexandre, avec cette différence que l’expansion du papier fiduciaire devint encore plus rapide.

Dès 1849, la somme des billets dépassa 300 millions de roubles. La guerre d’Orient amena une véritable avalanche de papier-monnaie. Au début, il y eut encore une certaine modération dans l’emploi de cette périlleuse ressource, et le gouvernement s’attachait à conserver un encaisse métallique correspondant à la masse des valeurs fiduciaires jetées dans la circulation. Au mois de mars 1854, le

  1. On constata à cette occasion que 12,287,000 roubles-assignats ne se présentèrent point à l’échange ; ils étaient perdus. Par contre, on produisit pour 6,857,000 roubles faux, fruit de la contrefaçon.