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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/900

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laissé énormément à désirer, et même le second ne serait arrivé à l’épiscopat qu’après une vie criminelle et des intrigues méprisables. L’auteur a vécu de leur temps, tout près d’eux, et c’est après la mort de Calliste qu’il écrit. Enfin le dixième et dernier livre résume tout l’ouvrage en reprenant une à une les hérésies déjà combattues, et se termine par une profession de foi où l’auteur oppose en toute sécurité son orthodoxie aux erreurs de tout genre qu’il croit avoir réfutées.

Qui donc peut avoir été l’auteur de cet ouvrage d’un contenu si remarquable ? Personne, parmi les théologiens de profession, ne voulut admettre que ce fût Origène. Déjà auparavant on avait de fortes raisons de douter de l’authenticité de ces Philosophoumena, ordinairement rangés parmi ses œuvres ; la découverte du livre qui les aurait continués ne fit qu’aggraver les soupçons. Ce n’est ni le style ni surtout la doctrine du grand Alexandrin. Par exemple, l’auteur se prononce, comme Tertullien, pour la théorie spéculative d’après laquelle le Verbe serait sorti de Dieu à un moment précis de la durée. D’après Origène au contraire, la génération du Verbe, comme celle de toutes les âmes rationnelles, est éternelle. Origène, nous le savons par Eusèbe, n’a passé à Rome qu’un court espace de temps antérieurement aux faits principaux relatés dans l’ouvrage découvert ; l’auteur de cet ouvrage au contraire a évidemment vécu longtemps à Rome, s’est trouvé mêlé personnellement aux dissensions religieuses de l’église de cette ville, et il a écrit sous l’impression encore toute fraîche de ces longs débats. La paternité de l’écrit fut donc d’une commune voix absolument refusée à Origène. Quel était alors le vrai père ?

La critique allemande se trouvait à son poste. MM. Jacobi, Duncker, de Bunsen, travaillaient chacun à la solution du problème et parvenaient à un résultat identique, du moins quant au nom de l’auteur. Comme on a pu s’en assurer, le livre sur les hérésies contient des indications qui limitent assez étroitement le champ de la recherche. Il a été écrit certainement, dans la première moitié du IIIe siècle, par un chrétien de Rome ayant voix dans les conseils de l’église, en possession d’une véritable éducation philosophique et littéraire, et il serait bien étrange que son nom eût complètement disparu de la mémoire de l’église, quand on pense surtout à l’extrême pénurie de l’église occidentale en fait de grands théologiens pendant les trois premiers siècles de notre ère. La question ainsi resserrée, il n’y a que deux noms parmi ceux dont la tradition historique ait souvenance qui puissent entrer ici en ligne de compte, — Caïus, un presbytre romain qui s’est signalé en écrivant contre les montanistes et contre le gnostique Cérinthe, — Hippolyte, auteur de nombreux écrits perdus pour la plupart, mais dont