Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourdon aux cocons), et prismatiques par voisinage. Cette construction à niveau des magasins à miel de la mélipone n’aurait d’ailleurs rien de bien extraordinaire : elle bâtit de la sorte les petites loges où elle dépose ses larves.

Dans l’effort commun qui produit le gâteau de miel, il importe de tenir compte de cette loi suprême de la nécessité à laquelle Buffon fait allusion, et qui contraint chaque animal, s’il se trompe dans les proportions, à recommencer son travail, sous peine de le voir détruit par ses voisins. L’alvéole de l’abeille n’est pas plus une œuvre individuelle qu’un travail de premier jet. Au commencement, le dessin hexagonal est à peine indiqué, la muraille primitive est grossière, dix fois trop épaisse; elle est reprise en sous-œuvre, amincie au pied, renforcés au faîte, refoulée par force à sa place juste, remaniée sans cesse jusqu’à l’entier achèvement. La régularité géométrique de l’ensemble est le fruit d’un long tâtonnement. Une multitude d’abeilles y travaillent à la fois, chacune quelque temps à une cellule, puis à une autre, et ainsi de suite; vingt individus au moins se mettent à la première loge, qui d’abord est fort peu régulière; de nouvelles loges s’ajoutent, et celle-là se réforme. Sur toutes ces choses, M. Darwin et d’autres naturalistes anglais ont fait de très curieuses expériences qui mériteraient d’être citées à côté des observations de François Huber. Celui-ci observait pour connaître; ils ont expérimenté pour expliquer. En opérant sur de petits essaims ou des individus convenablement isolés, en modifiant les conditions de leur travail, en trompant leur instinct, on arrivera sans aucun doute à décomposer celui-ci par une sorte d’analyse physiologique, en même temps qu’on déterminera mieux la part assez grande qui revient probablement à l’intelligence dans cette industrie de l’abeille. C’est là un côté du problème trop négligé peut-être par M. Darwin, mais qu’indique Mlle Clémence Royer dans les notes ajoutées par elle à la traduction française de l’Origine des espèces. On peut se demander pourquoi l’abeille ne serait pas sensible, elle aussi, à cette harmonie des lignes qui frappe notre œil dans ses ouvrages. Pourquoi refuser une impression aussi simple que celle qui naît de la régularité à ce cerveau de très petite dimension, il est vrai, mais apte à saisir des rapports de cause à effet bien autrement compliqués, à choisir le bon endroit, à tourner l’obstacle, à poursuivre de l’œil et de l’aiguillon l’ennemi de la ruche? Nous avons vu la fourmi comprendre qu’un objet était trop large pour passer par l’entrée de son souterrain. L’abeille, à qui nous voulons donner le sentiment de la régularité des lignes, a certainement la notion des rapports de longueur. Il y a un gros papillon, le sphinx tête de mort, très friand de miel, et qui ne demande