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été un pâturage commun où chacun avait le droit d’envoyer ses troupeaux. Les deux coutumes se tiennent de si près que de l’une on peut conclure à l’autre. A Rome, d’après les plus anciennes traditions, la richesse consistait principalement en bétail. Tum, dit Cicéron en parlant du temps de Romulus, erat res in pecore. Numa pose les pierres des limites et introduit la fête des terminalia. La forme la plus ancienne de la transmission de la propriété, la mancipatio, ne pouvait pas s’appliquer à la terre, puisqu’il fallait livrer de la main à la main ; ce n’est qu’au moyen d’une fiction et d’un acte symbolique qu’on l’a étendue plus tard aux immeubles. Le territoire, comme l’on sait, était divisé en deux parties : l’une était propriété privée des citoyens, ager privatus ; l’autre était propriété indivise de la communauté, ager publicus. Or la part héréditaire, l’heredium primitif, n’était que de deux jugera correspondant à un demi-hectare[1]. L’heredium était un peu plus grand que l’enclos privé (terra salica) des Germains, mais il était évidemment insuffisant pour faire vivre une famille. Celle-ci devait donc, comme la famille germaine, obtenir une part du terrain commun pour la mettre en valeur. On comprend dès lors que l’usurpation de l’ager publicus ait été la cause de la longue lutte des patriciens et des plébéiens ; c’était pour ceux-ci une question d’existence. Le clan, la gens, possédait un territoire qui était propriété indivise, mais qui était réparti temporairement entre les différentes familles pour le mettre en culture. Primitivement à Rome comme en Germanie et dans l’Inde, le pater familias ne pouvait disposer par testament du bien de la famille. Ces clans habitaient des maisons groupées ensemble en village, c’était le vicus ou le pagus. L’ensemble des clans constituait la nation, populus, et l’état, civitas, qui avait pour point central un lieu fortifié, une citadelle presque toujours située sur une hauteur. En Grèce, on retrouve une organisation très semblable. La façon dont les législateurs dans leurs institutions et les philosophes dans leurs livres traitent la propriété, la remanient, la redistribuent sans scrupule, prouve que le souvenir d’un partage périodique des terres n’était pas effacé. En Crète, d’après Aristote, toutes les familles vivaient, aux repas publics, des produits de la terre cultivée par les serfs ou periœces.

Le régime agraire de l’Algérie ressemble beaucoup à celui de

  1. Voyez Mommsen, Römische Geschichte, t. Ier, p. 183. M. Mommsen prouve que l’heredium ne pouvait pas même produire de quoi faire subsister une seule personne adulte. Il considère comme probable que primitivement la terre indivise du clan était cultivée en commun et le produit partagé ensuite entre les différentes maisons. Ce serait la forme la plus ancienne de la communauté, celle qui suppose le lien le plus intime au sein du groupe patriarcal.