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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/738

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le pays et les partis ; la responsabilité de la chute ne doit tomber ni sur le pays, ni sur les partis. Lorsque l’expérience du 2 janvier a été tentée, et qu’on a pu croire qu’elle l’était sérieusement, les partis n’y ont apporté aucun obstacle, excepté le parti autoritaire détrôné, qui eût voulu conserver la dictature entre ses mains. Le parti libéral parlementaire, rien que sur la promesse et sur le programme, a presque immédiatement désarmé, et a mis une sorte d’empressement à montrer qu’il ne demandait que la liberté sous la loi, et qu’il appuierait le gouvernement dans ses efforts vers ce but. Même le parti républicain, que ses principes éloignaient d’un accommodement semblable, se rapprocha cependant, et tendit à prendre un ton de plus en plus légal ; enfin il rompit ouvertement avec la démagogie. Voilà quel fut le rôle des partis. Le pays de son côté, bien loin de marchander son adhésion au pouvoir, lui apporta dans une circonstance mémorable un appui aussi éclatant qu’aux premiers jours, se contentant des demi-réformes promises, et dont l’effet était encore à attendre. Quant aux partis violens et insensés qui éclatèrent alors dans les clubs et les journaux, ils avaient été déchaînés par le gouvernement lui-même, qui, par un bien faux calcul, avait cru habile de préférer le désordre à la liberté. On n’accordait pas la liberté parlementaire, et on donnait la liberté des clubs, — calcul grossier et menteur dont nous avons cruellement expié les conséquences. Ainsi personne ne s’est refusé à l’épreuve loyale d’un empire parlementaire, et il faut renoncer à faire retomber sur le pays la faute d’une chute scandaleuse qu’on s’est préparée à soi-même de ses propres mains.

Quoi qu’il en soit de cette histoire rétrospective, disons que, dans un état légal quelconque, la sagesse veut toujours que l’on parte du point où l’on est ; aujourd’hui les circonstances sont telles que cet état de liberté de la souveraineté nationale, qui n’était qu’un but lointain et idéal, dont on ne pouvait espérer de s’approcher que pas à pas, est devenu précisément le point de départ de l’ère nouvelle dans laquelle nous allons entrer. C’est de cette circonstance remarquable qu’il faut savoir profiter.

Oublions pour un instant les maux cruels que nous avons subis, oublions, s’il est possible, la présence d’un ennemi sur le sol et les malheurs dont des ruines dressées devant nous portent un trop cruel témoignage ; s’il y a un fait dominant dans notre situation politique, c’est que le pays est rentré dans la pleine possession de lui-même, et qu’il n’est la proie d’aucun parti, ni d’aucun pouvoir usurpateur. Ce serait en effet un sophisme trop facile à réfuter, qui même ne mérite pas de réfutation, que celui qui consiste à lier le gouvernement actuel au fait du 4 septembre, à le rendre