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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/739

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responsable et solidaire de cet événement et du gouvernement qui s’en est suivi. Nous sommes loin pour notre part de nous associer aux attaques passionnées dont le 4 septembre a été l’objet : ce n’est pas ici le lieu de le juger ; mais au-dessus des intérêts de ce gouvernement éphémère nous plaçons les intérêts du pays en général, — il ne faut pas que la souveraineté du pays et son droit absolu et imprescriptible de se posséder soi-même soient plus ou moins obscurcis par une polémique équivoque qui confondrait sciemment, pour les compromettre à la fois, un gouvernement de circonstance que chacun peut apprécier comme il lui convient, et un gouvernement vraiment national issu de la volonté spontanée et universelle du pays.

Et ici ceux qui craignaient à l’origine le caractère trop réactionnaire de la nouvelle assemblée doivent voir aujourd’hui combien il a été heureux pour la cause de la souveraineté nationale, et même pour la cause de la république, que l’assemblée de février ait été ce qu’elle a été. Si elle eût été républicaine en effet, on n’aurait pas manqué de dire qu’elle avait été nommée sous la pression des préfets républicains ; si elle eût été impérialiste, on pouvait penser que c’était encore la suite des candidatures officielles de l’empire. En nommant une majorité de candidats hostiles à ces deux gouvernemens, et depuis vingt-cinq ans en dehors de toute action politique, le pays prouvait bien qu’il échappait à toute pression, et que les choix d’alors étaient la vraie, la sincère expression de sa pensée. Quant au chef illustre qu’un vote unanime de l’assemblée souveraine avait appelé au pouvoir, il faudrait un plaisant parti-pris pour le considérer comme un usurpateur. S’il y a donc jamais eu dans nos annales politiques un gouvernement spontanément choisi et une assemblée librement élue, c’est le gouvernement et l’assemblée de 1871. Sans juger en aucune façon la politique de cette assemblée et de ce gouvernement, ce qui est plus important que telle ou telle politique, c’est ce fait capital et vraiment providentiel pour la France, si elle en comprend la portée, d’un gouvernement émané de la France elle-même, au lieu de s’imposer à elle au nom d’un droit extérieur quelconque[1].

On pourra nous dire que cette politique qui consiste à saisir en quelque sorte la moyenne des partis et le point de jonction où ils ont le plus de chance de s’accorder tous, — cette politique, que M. Thiers a devinée avec une justesse merveilleuse et réalisée

  1. Je ne me refuse pas à reconnaître que la situation était la même en 1848, après l’élection du président ; mais celui-ci a tout faussé par l’usurpation du 2 décembre, et a renoué la tradition révolutionnaire.