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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/759

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grand calme, et c’est à la lueur des bûchers qu’elle accomplit son premier acte constitutif en arrêtant la confession de foi des églises de la réforme. Chacun des votans était prêt à la signer de son sang. Cette confession, qui prit sa forme définitive à La Rochelle et porta le nom de cette ville, exprimait les croyances communes. Elle était beaucoup trop détaillée et trop théologique : c’était le credo complet de l’école aussi bien que de l’église. Elle contenait les exagérations du calvinisme, mais sous cette rude écorce elle avait enfermé la foi immortelle de la réforme. Celle-ci peut se résumer dans ces deux points : l’autorité de l’Écriture remplace toutes les autorités humaines et la hiérarchie romaine ; le salut par la foi justifiante au Christ rédempteur met l’âme en présence de Dieu sans l’intermédiaire du sacerdoce.

L’émancipation était donc la conséquence de la doctrine dans ce qu’elle avait de plus ferme et de plus arrêté. La réforme se distinguait ainsi de la philosophie de la renaissance : ce n’était pas un simple système, c’était une religion. Le libre examen n’était pour elle qu’un point de départ ; le point d’arrivée était une croyance très déterminée, mais qui entraînait l’affranchissement de la pensée et de la conscience vis-à-vis de toute autorité humaine en fortifiant l’autorité divine directe. Tel est le vrai sens de cette confession de Paris et de La Rochelle, qui fut longtemps l’étendard du protestantisme français ; elle a ce grand mérite de n’être pas, comme en Allemagne, destinée à servir de pacte entre l’état et l’église, mais d’exprimer la foi du peuple chrétien pour lui-même.

Après le code dogmatique, on élabora le code ecclésiastique. Le synode commença par organiser l’église locale : partout où un nombre suffisant de fidèles se sont groupés, ils doivent élire un consistoire et appeler un pasteur. Le consistoire, une fois nommé, se recrute par les suffrages de ses membres, mais sous la réserve explicite de l’approbation du peuple. C’est lui aussi qui nomme les pasteurs, toujours à la même condition. Un certain nombre d’églises forment le colloque ; chacune d’elles y est représentée par un pasteur et un ancien. Les colloques tranchent les difficultés qui se produisent dans le ressort. Au-dessus des colloques sont les synodes provinciaux, où siègent également un pasteur et un ancien pour chaque église. Leurs réunions sont annuelles ; ils nomment deux anciens et deux pasteurs, appelés à siéger au synode national. Tous les membres de ce synode doivent adhérer à la confession de foi ; ils forment l’assemblée souveraine pour toutes les églises de France[1]. Il n’y a peut-être pas d’organisation plus sage, qui

  1. Voyez, sur le premier synode de la réforme française, le livre de M. Lutteroth, la Réformation en France pendant sa première période, Paris 1859.